Soucieuse comme toujours de casser les codes, d'innover, Frédérique Lazzarini nous offre un Shakespeare « Rital » transposé à Padoue, dans les années 50. Entre les scènes jouées en plateau et les réponses jouées en vidéo, c'est tout le cinéma italien qui nous revient en mémoire, il y a de la « Dolce vita », dans cette « Mégère apprivoisée », résolument moderne, surtout dans le final... que nous ne saurions spoiler. Pétillant comme du Prosecco !

Dans une atmosphère qui nous rappellerait presque les films de James Ivory, sur un air de « Dis, quand reviendras-tu ? » de feue Barbara, ce rendez-vous inattendu donné par Cécile de Volanges à la Marquise de Merteuil quinze ans après...Mais après quoi ? Diantre ! « Les Liaisons dangereuses » auraient-elles une suite ? Ouiiiii ! Et le pari est totalement réussi par Marjorie Frantz qui signe là un petit bijou de cruauté dans une langue ô combien châtiée qu'on savoure dans un décor simple mais chic et des costumes élégants.

Plateau vide. Tenue noire. Neutre. Elle permet à ce Frégoli du jeu, à ce nouveau Brachetti d'endosser tous les costumes, de Lisa l'ado à son copain Léo, de Cathy, sa mère à Edouard, son nouveau compagnon.
Nicolas Devort poursuit avec « Lisa » sa belle introspection du genre humain avec un talent inouï. Performant, bluffant... Les mots nous manquent.

Antonia, c'est "Madame +". Oubliez la particule. Antonia, c'est juste une femme ordinaire devenue extra-ordinaire. Trente ans de métier en ont fait... La Boss. Elle les domine tous et toutes. Elle fait autorité. Comme le Champagne Roederer - Rendinger ? -, la cuvée 2024 est un cru exceptionnel.

« Ils m'entraînent au bout de la nuit, les démons de minuit » ... Ca vous rappelle quelque chose, forcément ! Ah, les années 80 ! Mais, bien avant, je dirais même bien avant tout le monde, il y avait une femme qui avait fait danser le monde entier, lancé le twist, créé le concept même de discothèque : REGINE !

Entre coup de grisou et coup de chapeau pour cette ode à la vie, à la fraternité , à la solidarité ouvrière et aux Corons du Nord.

Elle en a fait un livre. Aujourd'hui une pièce. Elle s'est entourée à la mise en scène d'un grand : Eric Bu qui, comme son nom ne l'indique pas, lui a concocté un breuvage amer et pétillant, un Spritz détonant qui ferait presque oublier qu'elle a échappé à la mort. Qui a Bu... boira !

Quand Renaud Merviel et Julien Goetz, deux frères de cœur à la scène comme à la ville, s'emparent du sujet sensible de la maltraitance, cela donne une tragi-comédie sublime de tendresse sur la fraternité. Avec, pour corollaire un secret de famille et, qui sait, quelques espoirs...

Si les histoires d'amour finissent mal, en général, les histoires de famille peuvent, elles, connaître une renaissance. Dans cette séquence à la fois brutale et sensible, par le jeu bouleversant de l'autrice - Clémence Baron - et du comédien Antoine Cafaro, nous voilà plongés chez "les enfants du diable", sobriquet donné par l'ex-dictateur Ceaucescu à ces enfants dits "irrécupérables" des orphelinats de Roumanie.

Jean-Benoit Patricot signe avec « Agathe Royale » un rôle à la dé-mesure de Catherine Jacob qui, à l'instar des divas de la scène ou du cinéma (A quand un biopic sur Bette Davis avec elle ?) joue avec brio l'extravagance comme la fragilité. Quand La Jacob - comme on disait jadis La Dietrich ou La Garbo - arrive en Avignon, le pont tremble. Catherine ? Elle a tout d'une grande !

Une lecture d'un confinement à 7 - comme les 7 péchés capitaux - où le désir se décline sous toute ses formes avec intelligence et acuité. Une pièce "adulte", une écriture résolument moderne aux accents hip-hop, servie avec talent par 7 jeunes qui n'est pas sans nous rappeler la troupe de "Heureux les Orphelins" sur laquelle nous avions dès la sortie fait un focus et qui joue désormais partout à guichets fermés (Actuellement aux Gémeaux à 16h45).

Exit la déprime, le spleen, le cafard. Vous avez aimé « No limit », nommé aux Molières il y a peu. Prenez l'ascenseur pour - non pas l'échafaud - mais pour le roof-top. Rejoignez le grand plongeoir et laissez-vous porter par les eaux tumultueuses de Loop.

C'est peut-être parce que la pièce est tirée d'une histoire vraie qu'elle est bouleversante. Peut-être aussi qu'elle résonne davantage aujourd'hui dans le climat délétère où nous vivons. En tout cas, c'est un petit bijou dans l'écrin "Oriflamme".

Vincent Gaillard. Retenez bien ce nom ! On l'avait encensé dans "les Caroline" où il ne se contente pas d'être pianiste-chanteur mais aussi comédien (Tous les jours à 16h25 au Théâtre Le Barretta), on adore sa musique pop - entre Daho et Philippe Katherine -, vous connaissez sûrement son titre "J'suis parti" (déjà des milliers de vues sur Youtube) mais aujourd'hui, focus sur l'auteur de "Gary devant soi".

Eros vs Thanatos. Depuis l'Antiquité perdurent ces rapports amour/haine. Quand ils concernent le champ familial, on peut parfois basculer dans l'horreur, voire dans le fait divers... Jacques Descorde prend à bras-le-corps cette séquence aussi flippante que puissante qui interroge le mécanisme de détestation d'un fils pour son père qui, sous l'emprise d'un tiers, mène à l'impensable : l'assassinat.

Focus sur un petit jeune "réac" presque revendiqué, possiblement de droite mais pas que puisqu'il fustige le bourgeois comme les végans et les livres de gauche. Élu meilleur spectacle d'humour au Festival Off 2023, il méritait forcément notre attention.

Ou comment vous rendre accro aux mathématiques par la simple rencontre d'un vrai prof mué en conférencier qui, par sa truculence, sa joie de vivre et sa bonne humeur communicative vous amène dans un univers pas si abscons et plus abordable que vous ne le pensiez. Comme eût dit Caroline Loeb : "De toutes les matières, c'est les maths qu'il préfère". Une totale réussite.

Ou comment traiter un sujet grave - la mort - avec distanciation, délicatesse et poésie. Le masque et la patte "Québécoises" de Vania Beaubien, Alexandre L'Heureux et Isabelle Rancier (de la Cie du Fret) sont passés maîtres dans cet art si précis, si sensible. Le résultat est un baume salvateur qui vous fait dire : "Même pas peur !"

Quand on s'appelle Philippe Lafeuille, quoi de plus naturel que de créer "A4"... avec quatre danseurs de haut vol s'élançant à l'unisson vers des sommets de virtuosité rarement égalés. On aime... forcément !

Fragile en dépit d'une belle carrure et d'une voix de stentor, ce jeune stand-upper de 27 printemps renouvelle le genre par sa sincérité et fait de tous ses démons, de toutes ses addictions, un formidable argument théâtral.

À ce moment de "bascule" historique que nous vivons, ce seul-en-scène devient indispensable. Porté par un texte puissant et un comédien majeur, le public, aimanté une heure durant, en ressort sonné, bousculé et... pas tout à fait indemne. Merci à Olivier Guez et Mikael Chirinian de nous offrir ce moment d'émotions... rarissime !

On a tous connu quelqu'un, quelqu'une qui, par son œil aiguisé a su détecter en nous ce petit plus que nous ne voyions pas. Alphonse Bonnafé est de ceux-là. Brassens lui doit beaucoup. Comme nous devons beaucoup au Hall de la Chanson Française, à leurs directeurs Serge Hureau et Olivier Hussenet qui, depuis des décennies, nous font redécouvrir ces artistes majeurs du répertoire français. Cette "transmission heureuse" que nous saluons régulièrement à Paris arrive en Avignon pour notre plus grand plaisir dans deux créations : "Les eaux sauvages d'Anne Sylvestre" et "Le prof de Brassens". Focus sur ce dernier Opus.

Le huis clos, s'il n'est pas servi par de grands comédiens, est une épreuve à risques. Pour peu qu'ils aient en plus à servir un grand texte... Prenez pour cette pièce intergénérationnelle deux ténors : Patrick Préjean et Thomas Joussier - qui signe avec brio l'adaptation et la mise en scène - et vous avez... le Graal.

"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", écrivait Rabelais. C'était il y a cinq siècles. C'est toujours d'actualité. Et la lumière fut !

"Ici on vient pour laver, pas pour aller à la tribune", dit l'une des lavandières dans la pièce. On lave son linge sale en famille ici car le lavoir est une communauté du labeur où chacune défend ardemment sa place et ses opinions mais où toutes font bloc dans le malheur.

Non, ce n'est ni une parodie ni un relooking du titre-phare de Michelle Torr "Je m'appelle Michelle". Quand on connait Gilles Dyrek, ses voyages réguliers en Absurdie et son sens inégalé de la surprise, émaillée comme toujours de loufoqueries qui stimulent les zygomatiques, on se régale déjà. Bingo ! Ce nouvel opus est une merveille de drôlerie !

Fort de leur triomphe l'an passé - sold out dès le troisième jour et ce jusqu'à la fin du festival 2023, cette jeune troupe reprend du service aux Gémeaux et ça démarre déjà très fort. Courez les applaudir !
Le poids des mots, le choc des potos.
Ou comment réinterpréter un mythe sans faire de trous...
Quand le Club des Cinq débarque, ce n'est pas pour faire de la figuration. En bons exégètes, ils s'attaquent à Electre, convoquent Oreste, les réinventent. C'est Carglass chez Giraudoux, la vitrine est neuve.

A l'instar du "Déclin de l'Empire Américain" et des "Invasions barbares" de Denys Arcand, les Québécois sont passés maîtres dans l'art de mêler kitsch dans la forme et réflexion poussée dans le fond. Jouissif !

Focus sur un théâtre engagé et militant avec deux pièces fortes : « Cicatriciel » au Théâtre 11 et « Elle ne m'a rien dit » à La Factory. Et un flash sur deux habituées du Festival : l'actrice Béatrice Costantini et la metteur en scène Frédérique Lazzarini.

La tentation du seul-en-scène pour résumer une pièce du Grand William où les personnages fourmillent relevait sans doute de la gageure. Mais en Avignon, tout est possible. Pari tenu, Pari réussi.
Voilà donc un « Macbeth » en version « Que sais-je ? », couronné de succès l'an passé, qui reprend dès le 29 juin pour tout le festival !

Qu'est-ce qui fait pleurer les blondes, chantait Sylvie Vartan dans les années 70. Qu'est-ce qui fait courir David, se demandait Elie Chouraqui dans les années 80. Quarante et quelques années plus tard, l'ex-psy Ahmed Madani pose la question : Qu'est-ce qui pousse de jeunes gens à faire de la scène ? La réponse est donnée dans cette « Entrée des artistes » dont il signe la mise en scène.

Comme sortie du grenier, « La contrainte » - peut-être la moins connue des nouvelles de Zweig - fait peau neuve par la magie d'Anne-Marie Storme. Dans une mise en scène épurée et par un travail sur le corps et la voix - aidée en cela par la création musicale très affûtée de Stéphanie Chamot -, elle revisite l'œuvre en lui donnant intemporalité et intimité.

Du subjonctif à l'impératif, de l'acclamation à l'exclamation, ce "Vive" réveille les consciences, notamment celle d'Anaïs qui, 27 ans après, libère sa parole et brise le tabou de l'inceste. Dans ce discours à la jeunesse où elle a un temps perdu sa voix, sa prise de parole est nécessaire, vitale.

Sous ce titre poétique et/ou surréaliste se cache peut-être une histoire personnelle et tragique car pour qui a connu la série des visites d'un tiers à l'hôpital, les mots, même débités dans le vide, font sens.
En reprenant ce seul-en-scène écrit et joué trente ans plus tôt, Christophe Guichet nous offre une réflexion sensible sur la maladie, l'absence. Des mots utiles pour des maux en cours.

Dans la famille « exclusion », vous cherchez...
N'allez pas plus loin et piochez à l'envi chez ces trois sœurs hors-système et ce migrant hors-sol.
Vous allez vivre une rencontre humaine bouleversante et un final...inattendu !

Rome. 222. L'Hubris dans tous ses états. Avec la mythique Geneviève Casile et le talentueux Mickaël Winum.

Elle a ce profil hiératique, cette démarche lente. Ses pas sont mesurés, laissant apprécier l'élégance noble de la Patricienne. Avec ce phrasé « Comédie Française » qui est une marque en soi, un must pour le public, avec ce sens inouï de la rupture, cette autorité dans le verbe, elle hypnotise.

Ils auraient pu ne jamais se rencontrer. L'un est tombé dans la marmite, l'autre y entre par hasard. Et pourtant... Entre le lunaire et le terrien, entre le poète et le footeux un lien se tisse, qui grandit, se brise, se reconstruit. Rarement exploré au théâtre, cette pièce sur le monde de la gastronomie ne manque ni de saveurs, ni de piquant, ni d'amertume.

Il se voyait Kennedy, il en avait sous le capot et ce fut Dallas, il finit... décapité électoralement. Son épouse, Anne-Aymone, Première Dame "plante verte", raide comme une tige, se voyait Jackie et flétrit. En deux heures et cinq actes d'un dîner imaginaire sur un septennat, Léo Cohen-Paperman et sa troupe, dans une écriture cool-égiale retracent le destin d'un monarque Républicain. Une farce jubilatoire !

Bien loin du « Club des Cinq » de la Bibliothèque Rose des anciens, la génération « Ecran-pop corn » semble s'accommoder du noir et du trash. Désoeuvrée, aliénée par les réseaux sociaux, désenchantée, son réel tient dans le smartphone. Une immaturité symptomatique d'une époque qui parfois tourne au drame, comme dans cette histoire tirée d'un fait réel. Flippant, glauque, captivant, brillant ! Quelle claque !

Avis de coup de vent à La Tempête.
Il y fait chaud, très chaud, l'eau s'infiltre de partout. À la fluidité du texte répondent des bourrasques de rires. On en ressort... douchés !

Si vous vous attendez à un remake de « Bigard met le paquet » ou - plus chic - de « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander » de Woody Allen, passez votre chemin. Avec Mickael Délis, on est dans le dur - forcément -, dans le contenu plus que dans le contenant, dans une habile construction de la déconstruction du patriarcat. Prêts pour un « very bad trique » ?

Ou comment traiter un sujet aussi dense et tragique en le rendant feel-good par un décor acidulé à souhait, une bande-son, certes nostalgique (années 80, le « Words » planétaire de F.R.David) mais bien rythmée, des éclats de rire pour alléger l'émotion maîtrisée, digne, sans pathos, celle de Jeanne, jouée par la bouleversante Marie-Julie Baup qui passe de la candeur presque enfantine à la gravité de la femme qui fait front face à la maladie de son amoureux, le bel Arthur, que Thierry Lopez interprète avec brio, grâce et fantaisie dans ce parcours chaotique qui lui fait progressivement perdre ses repaires.

Ou quand la sujétion devient un sujet. Tantôt vagues, tantôt coulisses, tantôt voiles, des triangles de tissu, joliment dessinés et éclairés habillent une île imaginaire. Nous sommes dans "L'île des esclaves" de Marivaux.

À l'instar de la série éponyme, quatre "Drôles de dames", en l'absence - prolongée - de leur Charly (J. S. Bach, un habitué des fugues), revisitent son répertoire avec talent et humour.

Dans cette déambulation physique et verbale de haut vol, Adrien Madinier nous fait découvrir par les interactions du quotidien que tout peut être jeu. En tout cas pour lui. Entre perception et réel, il avance, tel un funambule, avec une maîtrise phénoménale.

Ou comment un homme-orchestre de talent, Xavier Simonin, et trois musiciens-chanteurs revisitent avec intelligence le roman de Steinbeck et nous font voyager dans la Grande Dépression de l'Amérique des années 30.

Fort des succès enregistrés en tournée dans tous les Zéniths de France et aux Folies Bergère, la troupe Irlandaise reprend du service au Palais des Congrès (3700 places) pour notre plus grand plaisir.

Une tentation à tentacules.
Du ludo-pédago !

Qui a eu cette idée folle un jour de bouleverser les codes ?

Fort de ses succès à la Manufacture des Abbesses à Paris puis à la Factory en Avignon, Vincent Marbeau, metteur en scène et comédien, reprend « Tom a la ferme » à la Scène Libre pour 20 dates exceptionnelles. Nouvelle distribution annoncée : auront ils la même puissance de jeu que Antoine Boizeau et Lydie Rigaud ? Hâte de découvrir cette nouvelle mouture.

En route pour une immersion pédagogique au Théâtre 13 où l'on a - presque - reconstitué la salle des Etats- Généraux pour un des événements qui fera date : la nuit du 4 août 1789 où nous avons eu le privilège de les voir - presque - abolis !