Elle a un petit vélo dans la tête, Laurence. C'est sa copine de prison qui lui a dit. Elle a au moins cette chance, elle peut s'évader dans sa tête, convoquer ses souvenirs, elle voyage. Elle en a fait des Tours de France, des Giro, des Grandes boucles, elle a pédalé, pédalé... Les railleurs diront dans la semoule. Pas que. Elle a sa petite logique à elle, Laurence, et si elle accepte de souffrir, c'est par amour, par amour pour celui qui s'est "éparpillé" en quittant notre monde. Elle, elle reconstitue le puzzle. À sa façon. Prisonnière de son aire de jeu qui figure une ardoise, elle écrit les mots qui l'ont marquée, dessine les rails du train de la démence, les vagues de l'amour et du chagrin, parle au micro comme au tribunal. Dans sa petite boutique des horreurs, elle est poignante et parfois même... drôle. Avec elle, en entendant sa confession, ses traumas de l'enfance, le public entre en compassion, pas dans le jugement. Delphine Grandsart est soutenue dans son jeu par Pascal Trogoff, dont l'accompagnement musical très travaillé souligne le caractère obsessionnel du personnage qu'elle incarne et ponctue ces séances comme dans une série Netflix.
Le texte de Delphine Gustau est magnifique, il interroge sur le traitement de la maladie mentale, le gap ténu entre le réel et le délire, l'amour et le désespoir. C'est rythmé, cash, brutal et beau. Il est merveilleusement servi par sa comédienne fétiche qui porte bien son nom. Otez lui le "s" pluriel - puisqu'elle est singulière - et vous comprendrez pourquoi "Delphine Grandsart, c'est du Grand Art" ! À voir de toute urgence !