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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Richard III
Aux Gémeaux Parisiens

Quand un William rencontre un autre William, qu'est-ce qu'ils se racontent... vous connaissez la chanson. Les parents Mesguich, eux, ont été bien avisés de prénommer leur fils William, souvent ramené à Will dans le quotidien. En découvrant Shakespeare, fort de ses incommensurables acquis livresques et scéniques il tombait sous le sens qu'un jour ou l'autre leur rejeton monterait une de ses pièces. Si un certain politique a fait carrière sur un "Yes, I can !", lui peut assurément parachever la sienne avec "Yes, I will" !
On ne dira jamais assez combien il est talentueux, surprenant, voire époustouflant dans ses interprétations, William ! Qu'il campe Van Gogh, Fouché, Pascal et même Descartes (quand son père lui redonne le rôle) ou Sylvain Tesson en reprenant "Dans les forêts de Sibérie", son jeu est toujours juste et d'une subtilité qui force l'admiration. En s'attaquant aujourd'hui au butor paranoïaque, au pervers narcissique Richard III, reprenant ainsi le flambeau de Laurence Olivier et, plus récemment, Philippe Torreton aux Amandiers et dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, il s'offre un de ses plus beaux rôles, taillé à sa mesure : dense et propice à maintes propositions. Habité comme jamais, méconnaissable jusque dans sa claudication, grimé façon The Cure dans un décor d'une noirceur folle qui n'est pas sans rappeler Tim Burton, il avance, bossu, effrayant, mi-Quasimodo mi-Edward aux mains d'argent, habillé gothique, il braille, éructe, vilipende chacun tour à tour de sa voix fortement éraillée. Il est colère et vengeance, tyrannie et soif de pouvoir. Il est l'hubris portée à son paroxysme.
S'il est évidemment le personnage central de la pièce, on ne saurait oublier la troupe, dirigée au cordeau par lui seul. Une troupe qui, comme lui, grâce à une diction et un jeu impeccables, nous laisse apprécier un texte qui n'a rien perdu de sa puissance. Les lumières et la bande-son ajoutent à la fantasmagorie et donneraient presque une vision cinématographique à la la pièce. Tout comme les costumes, mi gothiques, mi théâtre Élisabéthain. De trahisons en guet-apens, de ruses en fausses séductions, Richard III avance, animal sanguinaire et laid, jusqu'au trône avant de tomber, à son tour, dans la solitude et le trépas. Comme dans les "Dis petits nègres d'Agatha Christie", le public, fasciné, aimanté, compte les morts.

Il est des soirs où l'on se dit que, comme chez Soulages, "black is beautiful". Cette noirceur rendue ô combien esthétique, cette interprétation quasi satanique du Roi, soutenue comme dans un chœur grec par des partenaires de jeu magnifiques, rendent ce long moment de théâtre (presque deux heures)... Grandiose !
Paru le 19/11/2025

(31 notes)
RICHARD III
THÉÂTRE DES GEMEAUX PARISIENS
Jusqu'au mardi 23 décembre

COMÉDIE DRAMATIQUE RÉPERTOIRE CLASSIQUE à partir de 14 ans. Le désir de vengeance, la soif de pouvoir, la volonté irrépressible d'éliminer ceux qui s'opposent, le rapport intime au destin, les augures magnifiés par des apparitions fantomatiques, la hantise de la trahison, la violence du châtiment composent ce maelström de poésie et de fureur.

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