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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Les carnets du sous-sol
Essaïon

Pour qui aime l'âme slave et la mélancolie russe, vous en avez la quintessence avec "Les carnets du sous-sol" de Fédor Dostoievski. Tourmenté, habité - d'aucuns diront fou mais qu'est-ce que la folie ? - ce sous-sol qu'habite le héros de la pièce est propice à l'introspection, au questionnement du monde, à la définition même de l'homme qui ne saurait se résumer à ses deux formules : "L'homme est un bipède ingrat", "Si l'homme est stupide, qui donc peut être intelligent ?". Au bac, vous auriez quatre heures pour disserter, ici quatre-vingt minutes vous suffiront pour comprendre la métaphysique via un homme qui se dit malade... et méchant !
Il est en haillons, nous tourne le dos. Il est atrabilaire. Il le dit lui-même. Pendant plus d'une heure d'un long soliloque presque ininterrompu, celui qui se qualifie lui-même de repoussoir (hirsute, pas rasé, vêtu d'oripeaux, il n'a rien d'un dandy) et semble se complaire en reclus, nous tient en haleine par son discours aussi torturé que ses conclusions sont tortueuses. Et force est de constater qu'en dépit de propos décousus, le public suit, comme happé par ce flot d'aphorismes et de questionnements qui ne relèvent en rien de la folie. Il convoque des certitudes, interroge la science, l'utilité de l'action. On oscille entre ironie mordante, rage et désespérance, lucidité et folie. Une folie qu'il assume au nom de la liberté et de son désir qu'il nomme "caprice". Plutôt cela que renoncer.

L'acteur est bouleversant, il y a dans son jeu quelque chose de viscéral, presque animal.
C'est puissant et beau, parfois déroutant car le texte est âpre mais cette mise à nu, presque dans tous les sens du terme puisqu' il se dévêt peu à peu pour se laver - acte cathartique ? -, si singulière, interroge notre propre humanité.
Il fallait un certain courage et surtout un talent fou pour s'atteler à un texte aussi exigeant et c'est en cela que la performance de Christophe Laparra - saluée unanimement - est exceptionnelle. Sa présence est magnétique, ses ruptures comme le rythme qu'il insuffle sont captivantes. Ajoutez à cela le fait qu'il signe aussi la mise en scène... Bravo, mille bravos !
Paru le 04/12/2025

(7 notes)
CARNETS DU SOUS-SOL
THÉÂTRE ESSAÏON
Jusqu'au mardi 20 janvier 2026

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Dans un dispositif scénographique rectangulaire relativement indéfini (qui représente tout à la fois l’espace mental du héros, un sous-sol, une chambre...), le spectacle donne à entendre la voix du héros des Carnets du sous-sol qui a choisi de se prendre comme matière d’observation, de questionner...

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