C'eût pu être "boutique", ne concerner que la communauté juive mais d'emblée, quelle que soit sa religion, chacun se sent concerné. Parfois, comme disent les djeun's, on n'a pas forcément la réf mais on raccroche vite les wagons car, mutine, souriante, décontractée, Sophie nous invite à un voyage iconoclaste dans sa judéité qui est sûrement irrévérencieux pour les puristes mais juste et poétique pour les autres. Elle nous reçoit dans son lit en bordel - manière de radeau de la méduse qui tangue et pourrait même prendre l'eau de toutes parts - sur le "Total eclipse of the heart" de Bonnie Tyler. Ca sonne rock, ça promet, ça va dépoter ! Et, de fait, elle se tourne, se retourne dans son lit comme elle tourne et retourne ses pensées. Son lit, c'est son champ de bataille, son pré propice aux duels où avant de perdre ou gagner, elle choisit de nous délivrer, à la manière d'une confession intime sans pudeur mais toujours élégante, ses expériences amoureuses. "Bien sûr, nous eûmes des orages", chantait Brel. Chez elle, ce sont des bourrasques, parfois même des tempêtes qui ont émaillé ses amours. Elle a pourtant tout pour plaire, elle est belle, intelligente, souriante et gaie, dévouée à l'autre, prête au sacrifice en revêtant - symboliquement - une tenue de plongée pour atteindre le Graal des vérités talmudiques... Las ! Tant d'énergie pour rien ou si peu ! Enfin, non car le public, lui, suit avec amusement ses tribulations, rit à gorge déployée de l'amant lisant des pages entières du Lévitique, du discours de l'autre sur l'impureté des femmes. Sophie Engel, fidèle à la tradition juive, manie l'humour avec délice. Comme une chatte, elle se meut avec agilité. Dans son lit, elle cabriole, danse, lâche ses cheveux, balance les coussins, s'habille, se déshabille... elle est vivante, Reine des Neiges libérée-délivrée. Catharsis ou droit d'inventaire ? Le résultat est là. Elle pose les vraies questions, s'affranchit...avec le sourire. Elle est solaire, elle est rire et sincérité, elle est juive mais pas que. Elle est femme avant tout et si elle nous émeut en faisant un inventaire à la Prévert de tout ce qui l'a formée, de tout son héritage juif, elle n'oublie pas qu'il faut parfois... trancher. Le public, lui, a tranché. Standing ovation amplement méritée.