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D.R.
Portrait par Patrick Adler
Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques
À la Scène Libre.

Il ne ressemble à personne. Sur son affiche, on le voit apparaître en queue-de-pie dans un détournement du tableau de James Tissot. Un enfant du siècle, comme le titre l'indique, mais on eût pu ajouter en sous-titre : « De quel siècle ? ».
Lui-même confesse sa quête identitaire. Né avant l'arrivée d'internet, pas encore quadra, il est entre deux générations et ne comprend rien aux codes de la jeunesse. En gros, si d'aucuns sont « wesh » lui serait plutôt « vintage »,
Il est déjà né avec un nom à rallonge qui préfigure des « périodes » (comprenez : phrases longues) à la Proust dans son récit qui, telle une logorrhée parfaitement maîtrisée, a de quoi surprendre. Conscient de ce handicap, il s'excuse d'emblée d'être HPI, ce qu'on avait d'emblée deviné car tout fuse et infuse à une vitesse vertigineuse. Pour autant (et c'est là toute sa force), rien de ce qui sort de sa bouche n'est abscons et, à en juger par les rires ininterrompus dans son torrent de paroles, tout passe crème car l'homme, habile en diable, sait avec agilité passer de Pascal à Bergson, glisser des aphorismes inédits et drôlissimes en citant au passage Garou et brocarder a l'envi les leaders d'opinion.

En bref, il brouille les pistes en étant à la fois érudit et accessible. Guindé et old-school, baigné depuis l'enfance dans la culture (son père est historien du théâtre et sa mère enseigne l'histoire de l'art), il a « la réf », comme disent les d'jeun's mais conçoit que « s'il a quelque chose en plus, il a aussi forcément quelque chose en moins ». Aussi a-t-on plaisir à l'entendre se brocarder avec une auto-dérision irrésistible.

Bien sûr, l'accent québécois n'est pas pour rien dans ce charme qu'il dégage et nous ne pouvons qu'être reconnaissants au pays de Leclerc, Vigneault, Charlebois, Dufresne, Kavanagh, de nous envoyer leur meilleur humoriste actuel. Quand il a demandé s'il y avait des Québécois présents dans la salle, il a feint l'étonnement et, dans un large sourire, a prononcé ces mots « lunaires » : « Pourquoi venir à Paris ? Vous ne saviez pas que je joue régulièrement à Montréal ? »

Il joue des mots comme des situations, se paie le luxe de brocarder nos concitoyens (il connait très bien notre pays) en posant des questions existentielles : Stephan Bern est-il cocaïnomane ? Elise Lucet est-elle la réincarnation d'un pitt-bull ? Il développe alors une théorie aussi fantaisiste que surréaliste en considérant le perpétuel état extatique de l'animateur de « Secrets d'histoire » face à un événement historique ou l'humeur charognarde de la journaliste face à des patrons de grands groupes financiers. Le public boit du petit lait, il vient de prendre un cours de culture générale, une leçon d'élégance et de courtoisie qui se concluera quelques minutes après par une définition très poétique du bonheur.

Merci, mille mercis, Philippe-Audrey, de nous donner l'illusion d'être, grâce à vous, plus intelligents ! Et bravo à vous pour ce clin d'œil final à Alexandre Vizorek, votre frère de talent !
Paru le 21/11/2025

(29 notes)
PHILIPPE-AUDREY LARRUE-ST-JACQUES - ENFANT DU SIÈCLE
SCÈNE LIBRE (LA)
Jusqu'au dimanche 11 janvier 2026

SEUL(E) EN SCÈNE. Cet HPI hypersensible touche tous les publics par son écriture et son inclusivité naturelle et il est désormais le chouchou des québécois tant au théâtre, sur le net qu’à la télévision. Ayant décidé de faire découvrir son humour brillant et original en France, il a choisi le quartier latin et le C...

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