Il retrouve aujourd'hui Beaumarchais dont il avait abordé l'œuvre après son entrée à la Comédie Française en 1990. « J'avais un petit rôle dans « La Mère coupable » dont j'avais beaucoup aimé la mise en scène très délicate de Jean-Pierre Vincent avec des acteurs formidables, dont le regretté Jacques Sereys en vieux Figaro, Christine Fersen, Catherine Samy... Puis j'ai joué en alternance avec Thierry Hancisse, Figaro dans « Le Barbier de Séville » mis en scène par Jean-Luc Boutté. »

Au départ censuré durant plusieurs années, ce chef-d'œuvre riche en intrigues et rebondissements qu'est « La Folle journée ou Le mariage de Figaro » connut ensuite un succès jamais démenti depuis, dont Mozart fit un Opéra. De ce personnage nous pourrions parler encore et encore tant sa complexité est grande, tant la place qu'il tient ici l'est aussi puisqu'il est le héros de la journée, et tant il sort du stéréotype habituel du valet, faisant d'une certaine manière écho à la vie même de Beaumarchais. Évoquer cette folle journée c'est, au-delà du rire, y voir les côtés sombres, c'est évidemment s'arrêter sur ce bouleversant monologue de Figaro, le plus long du Répertoire français, dans lequel le valet confie avoir « tout vu, tout fait, tout usé ».

Il a été en prison pour avoir écrit, il a été honni, censuré

Philippe Torreton et Léna Bréban donnent aujourd'hui leur vision de ce texte magnifique. « Ce monologue arrive un peu comme un pavé dans la marre vers la fin » dit le comédien. «Figaro pense que Suzanne le trompe et tout son parcours s'écroule. C'est comme ça que nous avons choisi de l'aborder, dans un rapport direct avec les gens, comme un stand-up, c'est nerveux, vif, debout devant eux, je leur expose ma vie, leur dit que j'ai tout raté, que pour moi ça ne va pas du tout. Je vois là un homme désespéré dont la société a brisé tout ce qu'il rêvait de mener à bien. Il en a gros sur le cœur et fait le bilan d'un ordre établi bloqué, qui n'autorise ni la liberté, ni les chemins de traverse, qui n'autorise pas non plus les gens de basse extraction comme on disait autrefois, à vivre de leur passion, de l'écriture. Il a été en prison pour avoir écrit, il a été honni, censuré... Et donc c'est merveilleux de dire tout ça parce que la société a certes fondamentalement changé depuis, mais elle a toujours du mal à être juste. »

Ce qui compte ce n'est pas tant le personnage que ce qu'il dit, m'avait dit un jour Philippe Torreton, et tant de choses sont dites au cours de cette folle journée ! « Oui... Et on oublie souvent Marceline qui dit l'une des plus belles pages de la littérature française sur le droit des femmes. Que ce soit un homme qui ait écrit ça il y a plusieurs siècles, je trouve ça magnifique et Annie Mercier le dit si bien ! » Content de ce Figaro dont on pourrait parler des heures avec lui ? « Plus que content ! Je suis enchanté. »