Zoom par Patrick Adler
Le village de l’Allemand
Aux Gémeaux Parisiens
À l'heure où l'octogénaire Boualem Sansal, arrêté, atteint d'un cancer, croupit dans une geôle algérienne, les Gémeaux Parisiens, en accord avec les éditions Gallimard, nous invitent à découvrir, après leur succès Avignonnais, la seule adaptation théâtrale de l'œuvre de l'auteur. La résonnance est évidemment forte et cette tragédie avérée, transcendée par une troupe aussi jeune qu'aguerrie, nous interroge tous azimuts sur l'héritage, le nom, l'histoire... Est-on responsable du passé de ses parents ? Doit-on l'assumer, le comprendre, s'en débarrasser ? Et comment ? Seuls, la parole libérée et le voyage initiatique dans le temps vont apporter chez les deux frères un semblant de réponse. Émouvant. Bouleversant !
Ils sont deux, à la fois narrateurs et comédiens dans cette histoire familiale, qui, au détour d'un carnet puis d'une mallette ouverts telle une boîte de Pandore, vont ébranler toute la famille. Ils sont deux, deux frères : Rachel et Malrich, d'une double culture - allemande par leur père, algérienne par leur mère -, double culture déjà présente dans leurs prénoms (la contraction de Rachid et Helmut pour Rachel et Malek et Ulrich pour Malrich). Ils sont deux frères très dissemblables, héritiers d'un secret aussi lourd qu'effroyable. Et avec eux, à travers leur histoire et leur quête initiatique, c'est toute l'histoire de l'Algérie qui s'éveille, avec sa part d'ombre comme l'installation d'anciens nazis dans les villages algériens, mais aussi la guerre civile, la vie de cité en banlieue Parisienne, le G.I.A, le terrorisme en Algérie, les camps de la mort dans l'Allemagne nazie. Quand Rachel, l'aîné, découvre avec effroi la vérité, il s'engage dans un parcours initiatique, refait le chemin, retrouve les lieux de vie de feu son père. Perclus de douleurs face à celui "qui n'avait pas le droit de donner la vie (sic)", il souffre en silence dans son combat pour la vérité et ira jusqu'à expier la faute en se sacrifiant, en se donnant la mort. En reprenant le flambeau, Malrich le cadet, enclin d'abord à venger son frère, entendra l'appel à la raison du commissaire, un ami de la famille : "On n'efface pas le crime par le crime, ni par le suicide. Pour cela, on a la loi".
Le texte est fort, il interroge. Sommes-nous comptables des actes de nos parents ?
C'est un théâtre de la mémoire, troublant, parfois malaisant mais ô combien nécessaire. Il interroge sur la transmission, le sens de la parole, la reconstruction. C'est tout simplement un théâtre humain, qui nous fait sentir vivants.
La mise en scène de Luca Franceschi, habile et fine, est volontairement dépouillée. L'essentiel tient dans les mots, la direction d'acteurs. Les décors et accessoires sont minimalistes et mobiles. Tout tient dans le récit et le jeu des deux frères (magnifiques Valérian Moutawe et Nicolas Moisy), accompagnés par une petite troupe qui joue, comme dans un thriller, tous les personnages avec conviction et talent.
Vous dire qu'on ressort indemne de ce moment théâtral serait un mensonge. On se pose un temps avant de quitter la salle, on réfléchit, on se refait l'histoire. Et si tout cela était vrai ? Et dire que c'est vrai. La vérité de la scène est parfois plus prégnante encore. Alors, même absent alors qu'il sait désormais qu'il est joué, on se réjouit de penser, à l'instar de Serge Paumier et Nathalie Lucas, directeurs du lieu, qu'on ne pouvait laisser Boualem... sans salle !
C'est aux Gémeaux Parisiens et nulle part ailleurs ! Courez les applaudir !
Le texte est fort, il interroge. Sommes-nous comptables des actes de nos parents ?
C'est un théâtre de la mémoire, troublant, parfois malaisant mais ô combien nécessaire. Il interroge sur la transmission, le sens de la parole, la reconstruction. C'est tout simplement un théâtre humain, qui nous fait sentir vivants.
La mise en scène de Luca Franceschi, habile et fine, est volontairement dépouillée. L'essentiel tient dans les mots, la direction d'acteurs. Les décors et accessoires sont minimalistes et mobiles. Tout tient dans le récit et le jeu des deux frères (magnifiques Valérian Moutawe et Nicolas Moisy), accompagnés par une petite troupe qui joue, comme dans un thriller, tous les personnages avec conviction et talent.
Vous dire qu'on ressort indemne de ce moment théâtral serait un mensonge. On se pose un temps avant de quitter la salle, on réfléchit, on se refait l'histoire. Et si tout cela était vrai ? Et dire que c'est vrai. La vérité de la scène est parfois plus prégnante encore. Alors, même absent alors qu'il sait désormais qu'il est joué, on se réjouit de penser, à l'instar de Serge Paumier et Nathalie Lucas, directeurs du lieu, qu'on ne pouvait laisser Boualem... sans salle !
C'est aux Gémeaux Parisiens et nulle part ailleurs ! Courez les applaudir !
Paru le 22/09/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (13 notes) THÉÂTRE DES GEMEAUX PARISIENS Jusqu'au dimanche 26 octobre
THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Avec l’intensité d’une tragédie moderne, la pièce émeut, bouscule et console. Elle réaffirme avec puissance la nécessité de garder vivante la mémoire. Cette œuvre bouleversante retrace l’histoire de deux frères, Rachel et Malrich, nés d’un père allemand et d’une mère algérienne, dans un village d’...
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