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© Sébastien Toubon
Zoom par Patrick Adler
Le bonheur conjugal
Au Poche-Montparnasse

"Il suffirait de presque rien..." chantait Reggiani. Dans ce petit écrin dédié aux beaux textes, il suffit donc de quelques notes de piano pour distiller cette âme slave empreinte de romantisme et de mélancolie. Nicolas Chevereau, au piano, vient parfaire la prestation subtile d'Anne Richard qui, entre candeur et bovarysme, insuffle joie et tragique au récit, aidée par un personnage-fantôme - pivot de l'histoire d'amour - incarné en silence par Jean-François Balmer. Délicat et captivant !
En toile de fond, un verger en fleurs qui, au gré des saisons, s'éclaircit puis s'assombrit comme l'éveil à l'amour de Macha qui s'enthousiasme, se passionne, se raisonne et se délite. Car elle vit tout cela, Macha. C'est dur, c'est puissant, et il fallait le jeu très intériorisé d'Anne Richard pour nous tenir en haleine plus d'une heure durant. On suit avec ferveur l'histoire de cette gamine mutine devenue femme indépendante et responsable. D'abord amoureuse de Sergueï, elle n'aime rien tant que la douce harmonie à la campagne. Puis l'ennui va s'inviter, comme chez Emma Bovary. Le passage à la grande ville - St Pétersbourg - va être aussi bénéfique que fatal. L'harmonie se fissure, comme les sentiments, comme la jalousie de Sergueï qui avait pourtant pressenti l'issue tragique, vu sa différence d'âge. Mais il n'est pas le Bartholo de Beaumarchais et elle n'est pas Rosine. Alors, par un "gentleman's agrement", ils vont cohabiter. En bonne intelligence. Sans heurts mais sans amour, ou pas vraiment le même. La "cristallisation du rameau", métaphore chère à Stendhal, laisse place à la désillusion. Affaire d'usure, de déception, de temps qui passe et fait son œuvre. C'est cruel et lucide à la fois. On comprend mieux qu'en se racontant avec franchise et sans émotions feintes, son être aimé n'est plus qu'un fantôme, un lointain souvenir.

Sur fond de calme, de douceur, sans conflit véritable, c'est une histoire d'amour presque banale mais qui prend toute sa puissance grâce au jeu d'Anne Richard. Elle irradie le plateau, émeut l'auditoire. Elle est la Macha de Tolstoï et nous la suivons avec tendresse et admiration dans son périple amoureux.
Laissez-vous tenter à votre tour. C'est un joli moment de théâtre comme on aime si souvent en voir au Poche Montparnasse.
Paru le 05/06/2025

(5 notes)
BONHEUR CONJUGAL (LE)
THÉÂTRE DU POCHE-MONTPARNASSE
Jusqu'au dimanche 13 juillet

COMÉDIE DRAMATIQUE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. Qu’est-ce que le bonheur conjugal ? Une promesse, un paradoxe ? C’est ce dont la jeune Macha va faire l’expérience. Au long d’une émouvante confidence accompagnée par la sonate de Beethoven Quasi una fantasia, elle nous promène dans les méandres de son âme, passant de l’exaltation amoureuse aux dé...

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