Connexion : Adhérent - Invité - Partenaire

© Alain Mauron
Article de Patrick Adler
Bel Ami
Lucernaire

Le Lucernaire ? Une valeur sûre. Par le choix des pièces, la qualité des troupes engagées, le grand savoir-faire des metteurs en scène. Nos chroniques sont très souvent louangeuses et celle-ci le sera également car ce "Bel ami", revisité pour le théâtre par Claudie Russo-Pelosi est rythmé, fluide, mobile - comme tous les éléments de décors posés sur des roulettes - et d'une esthétique sublime qui rappellerait presque Tim Burton. Vous l'aurez compris, c'est une pépite à ne pas manquer !
Il a tout pour lui, Georges Duroy. Certes, il n'est pas bien né mais il a dans sa besace tous les atouts pour réussir et faire fortune : le physique (très attrayant) et le verbe. Ajoutez à cela ce côté madré, opportuniste qui peu à peu confine au cynisme, cette confiance en soi croissante, ce sens aigu - comme Don Juan - du jeu, du stratagème, du défi et vous avez l'archétype du pervers narcissique. Le jeune homme s'inscrit parfaitement dans cette IIIè République bancale, faite de turpitudes, de scandales, où la presse naissante prend un essor inédit et où, ironie de l'histoire, les femmes jouent un grand rôle puisque les cinq convoitées vont ouvrir toutes les portes à celui qui sera bientôt connu sous le seul délicieux sobriquet de "Bel Ami". À l'instar de Rastignac, il fait donc des ravages et, comme le roman se découpe en saynètes au théâtre, ce qui lui confère un rythme et un intérêt soutenus, on assiste à l'irrésistible ascension d'un manipulateur qui aura su jouer de l'amitié comme de l'amour. Sans foi ni loi. Il est "aimant" dans tous les sens du mot. Ce diabolique, cet ange noir de basse extraction devenu Baron du Roy de Cantel est incarné avec finesse par le fougueux et brillant Aurélien Raynal, comédien emblématique de la troupe depuis son Boris Vian dans "L'écume des jours". Car Claudie Russo-Pelosi, qui force l'admiration par l'intelligence, l'inventivité, la modernité de ses mises en scène (certains tableaux deviennent chorégraphies avec le bruit du métronome ou du journal qui claque sur les genoux), doit beaucoup à sa troupe. Elle les a bien choisis, ils sont tous plus brillants les uns que les autres : l'énergique et fin Adrien Grassard endosse avec brio les rôles du narrateur, de M. Walter, propriétaire du journal et de Varenne, le poète. Thomas Lefrançois est précis et convaincant en Forestier, l'ami et Laroche-Mathieu, le ministre. Quant aux femmes, que de lauriers à tresser ! Coline Girard-Carillo est une Clothilde subtile, Clémence Roche une Madeleine Forestier impériale, Hanna Rosenblum une émouvante Mme Walter et, last but not least, Sophie Condette est irrésistible en gamine taquine et mutine. Formidablement dirigés, ils ont à la fois un jeu varié, précis, collectif (aucun temps mort) et un formidable sens du rythme. Ajoutez à cela les magnifiques lumières de Dan Imbert, les somptueux costumes de Marie-Coralie Sussan et Clare Robinson et le beau décor de Fabrice Puissant et vous avez là tous les ingrédients d'un grand et beau moment de théâtre ! Pépite !!!
Paru le 15/05/2025

(24 notes)
BEL-AMI
THÉÂTRE DU LUCERNAIRE
Jusqu'au dimanche 27 juillet

THÉÂTRE CONTEMPORAIN à partir de 12 ans. Paris, les années 1880. Jeune provincial sans le sou, Georges Duroy débarque avec l’ambition de se faire un nom. Faisant ses armes au journal La Vie Française, l'opportuniste devient une plume qui fait et défait les réputations. Mais derrière cette façade se cache en vérité un homme aux ambitions ...

Voir tous les détails