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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Léonard de Vinci
« Deviens ce que tu es » (F.Nietzsche) Et Léonard…de Vinci !

Il était une fois... une fée (Anthea Sogno) qui, dans l'un des plus anciens lieux du OFF, - pensez-donc, une ancienne fabrique de conditionnement de la soie - ambitionnait, à l'instar de Caubère qui ouvrit la marche, de faire de ce lieu magique le temple Avignonnais du théâtre classique et contemporain. Pari réussi.
On ne louera jamais assez la qualité de la programmation du lieu qui, chaque année, ne nous réserve que des pépites. Parmi celles-ci...Léonard de Vinci ! Peu de prise de risque, me direz-vous, avec les talents confirmés et conjugués de Stephane Cottin, metteur en scène Grégory Gerreboo, comédien et le tandem Brigitte Kernel/Sylvia Roux à l'écriture.


Léonard de Vinci, c'est l'histoire d'une résilience. Enfant séparé très tôt de sa mère, il subit la maltraitance de son père qui a la charge du « bâtard » (l'enfant le surnomme le Tyran). Les psychanalystes vous diront que chez l'enfant brimé dans l'enfance, deux attitudes dominent : la sidération ou la réaction. Leonard choisit la seconde voie : il va transformer son malheur de départ en force de vie. De ses brimades répétées, de son manque de reconnaissance paternel, il va se protéger, se forger une carapace, prendre en main son destin. Il a la grâce, il a le don. Et peut-être aussi la chance car, tout au long de son parcours, des âmes bienveillantes vont se pencher sur lui : sa belle-mère Alberia, son grand-père paternel, le Maestro Andrea de Verrochio, qui lui apprendra la peinture, la fabrication des couleurs avec les pigments. Tous avaient pressenti son caractère et son talent exceptionnels. Du dessin à la peinture, des mathématiques à la philosophie, il a toutes les compétences jusqu'à l'invention du parachute, métaphore sans doute de l'enfance. La protection dans les airs comme sur terre.

Dans cette si jolie histoire qui nous est doucement contée par le talentueux Grégory Gerreboo - il incarne à lui seul tous les personnages, prend les accents, manipule en marionnettiste avisé les pantins de bois brut , sans artifices, qu'il habille d'un rien : un chapeau pour le père, un foulard pour la mère, il les assied, les couche, les fait parler, leur donne vie (on retrouve bien là l'ingéniosité et ce sens aigu de l'esthétique de Stéphane Cottin)-, on est à la fois dans l'Histoire avec un grand H et dans le conte, le « il était une fois ». Il n'est donc pas étonnant que le public qui vient chaque jour en nombre soit familial. Petits et grands ne peuvent que se retrouver dans « ce biopic » pédagogique, littéraire mais abordable. Des éléments sonores et visuels viennent compléter le tableau. Sur la toile qui jonche le sol comme un long et haut parchemin s'accumulent esquisses, peintures, écrits. Des écrits...à l'envers ?! Diantre ! Alors, tout remonte à la surface : mais oui, souvenons-nous, c'est ainsi que Léonard cachait ses découvertes, protégeait ses œuvres. Avant que le droit d'auteur ne fasse son apparition bien plus tard.
Comme dans tous les contes de fée, l'issue est heureuse avec la rédemption du père, la reconnaissance tant attendue.

Le public repart heureux, conquis. De si belles choses, de si beaux textes dans un si beau lieu, c'eût été dommage de passer à côté !
Paru le 24/07/2023