Elle est ravissante, nous le savons. Elle savoure les textes des grands auteurs, qu'elle joue excellemment, nous le savons aussi. Elle ne s'encombre pas de faux-semblants, et garde de l'époque où elle était pensionnaire à l'Opéra de Paris, le goût du travail, l'amour de la troupe, le désir d'équipes qu'elle retrouve au théâtre. Oui mais là, c'est une autre histoire ! La voici seule en scène pour la première fois, chargée par Nicolas Briançon qu'elle retrouve pour la quatrième fois, d'un texte subversif et magnifique. Un texte que d'aucuns considèrent « comme un petit signal d'alarme » envoyé au monde d'aujourd'hui. Les répétitions s'achèvent et tout à ses sentiments mêlés d'enthousiasme et de peur elle raconte son travail, « l'infinie exigence » de son metteur en scène, à laquelle elle se plie pour parvenir à donner corps à cette Célestine pétrie de haine et de mépris pour une classe dont elle finira par épouser le comportement, le destin ayant fait d'elle une patronne.

Je n'avais jamais imaginé me retrouver un jour seule sur scène

« C'est le véritable cadeau d'un ami que de vous emmener quelque part où vous n'avez jamais été. Et Nicolas est acteur lui-même, vous ne pouvez pas lui raconter n'importe quoi, mais il sait aussi quand il faut vous laisser être. On se comprend vite et on se comprend bien. Après avoir été nourrie pendant des heures et des heures de tout ce qu'il m'a donné, je suis libre et à la fin on ne sait plus ce qui vient de lui ou ce qui vient de moi. J'avais lu le livre, vu les films, mais jamais je n'aurais imaginé qu'un jour... Et surtout, jamais je n'avais imaginé me retrouver seule sur une scène. Il faut une sacrée dose de confiance en soi que je n'aurais pas sans soutien, pour se dire que pendant une heure vingt les gens ne verront que vous ! Même si je suis très portée par ce texte magnifique, le talent de Nicolas et de tous les gens qui travaillent avec nous. Pour incarner Célestine il a fallu que je me comprenne, dans ma pensée, dans mon corps et dans le travail que je fais. Là, on est à J-9 et tout ce que l'on a fait me rassure, c'est solide, balisé. Je connais et je comprends les pensées de Célestine parce que nous avons beaucoup travaillé sur la violence de son enfance. Il est important de revenir à la source pour comprendre son chemin et ce qu'elle est. C'est un personnage d'une grande richesse, qui me passionne. » Parler de ce texte, c'est évoquer entre autres le film de Bunuel qui avait choisi d'éviter certains passages douloureux au sortir de la guerre. Nicolas Briançon lui, ne s'interdit rien. « Oui, il a restitué le propos de Mirbeau sans mettre des choses sous le tapis. L'enfance, l'antisémitisme... On a ressorti les dossiers, si je peux parler ainsi ! Et il faut saluer ces producteurs et directeurs de salles qui ont une volonté théâtrale très forte, comme ici ou à la Pépinière où je serai en janvier. »