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© Manika Auxire
Interview par Philippe Escalier
Thomas Gendronneau : le spectacle vivant dans la peau !
Ce jeune comédien est à l’affiche du Festival OFF d’Avignon dont il est un des habitués avec, cette année encore, deux pièces dont le rôle titre dans la dernière création d’Ivan Calbérac consacrée au pianiste Glenn Gould, « Glenn : naissance d’un prodige » actuellement au Théâtre des Béliers avant de rejoindre le Petit Montparnasse à Paris à la rentrée. Nous revenons avec lui sur son parcours dont la richesse justifie déjà une rétrospective.

Thomas, si l'on vous regarde, vous avez trente ans et pourtant quand on observe la densité de votre CV, on a l'impression que vous en avez quinze de plus ! public:
(Rires) Ce qui peut vous tromper c'est que j'ai eu la chance de faire beaucoup de choses et de travailler sur des projets très différents. Depuis « Les Damnés » dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes avec la Comédie Française où je n'avais pas un rôle majeur mais où je faisais partie du choeur et d'une troupe formidable, en passant par mes spectacles avec ma compagnie La Caravelle jusqu'à ce Glenn Gould qui vient tout juste de commencer à vivre.

Peut-on parler d'une dominante chez vous de spectacles liés à l'Histoire ?
C'est une de mes facettes mais j'aime par dessus tout mélanger les genres. Si vous pensez à « Marie Tudor » à la Pépinière, par exemple, j'ai composé la musique et je jouais de la guitare sur scène, dirigé par Philippe Calvario. Je l'ai rencontré au sortir des Cours Florent dans le cadre du Prix Olga Horstig pour « Shakespeare in the woods » un montage autour de différentes pièces de l'auteur anglais qui fut ensuite à l'affiche des Bouffes du Nord. S'il devait y avoir une dominante, ce serait le mélange du théâtre et de la musique puisque ce sont mes deux métiers. J'ai fait une formation de danse, j'ai toujours aimé chanter. Ce qui est génial dans notre travail c'est de ne pas trop avoir de limites et de pouvoir faire un peu tout, y compris acquérir constamment de nouvelles compétences capables de nous enrichir.

Vous avez aussi collaboré avec Eric Ruf. Diriez-vous que vous avez une appétence particulière pour la mise en scène ?
J'ai eu la chance d'être l'assistant de cet homme brillant, dans « Bajazet » toujours à la Comédie Française et ce, avant de partir en tournée. Voir Eric Ruf diriger les acteurs, je devrais plutôt dire les orienter tellement c'est subtil, m'a beaucoup appris. De fait, j'ai toujours aimé la mise en scène, j'en suis à la 6eme. Il y a pour moi une vraie complémentarité avec le métier de comédien.

Quand on est sur scène, est-il difficile d'oublier que l'on est aussi metteur en scène ?
Il faut lâcher prise même si c'est un peu compliqué. Ceci dit, tous les acteurs vous diront que lorsqu'ils jouent, ils pensent à une foultitude de choses en même temps. Jusqu'au moment où l'on est totalement dans le rôle et que l'on ne pense à plus rien d'autre ! Sur ce Glenn Gould, Ivan Calbérac était très facile à suivre, avec des idées précises dans les grandes lignes, une sorte de canevas nous laissant gérer les aspects plus intimes du personnage, avec ce que nous pouvons y ajouter en termes de sincérité, d'émotion et de densité.

« Glenn : naissance d'un prodige » vous donne votre premier rôle titre majeur. Vous attendiez-vous à trente ans à peine à interpréter un pianiste mondialement connu ?
Pour jouer un personnage que l'on voit évoluer entre 11 et 50 ans, je suis parfaitement au milieu ! Mais il faut reconnaitre que c'était un pari surtout si l'on sait que dans ce genre de situation, l'on prend habituellement un acteur plus âgé que l'on rajeunit ensuite. Et je me souviens de ce prof qui disait qu'il fallait une décennie pour faire un acteur ayant de la densité et de l'expérience. Ceci dit, c'était une surprise au sens où l'on cherchait un comédien pianiste. Or, je suis surtout guitariste, batteur, bassiste, compositeur et complètement autodidacte mais avec un lien très fort avec la musique. Donc avant même de commencer le casting je me suis inquiété du niveau de piano requis. La surprise a aussi été d'être appelé après de longs mois de travail, au moment de partir en vacances. Au départ, réaction normale, je pensais n'avoir guère de chances mais j'ai quand même tout annulé pour passer l'audition ! Le prix à payer pour cette exposition, c'est une pression et un trac un peu plus important que d'habitude.

Comment êtes-vous arrivé sur ce rôle ?
C'est un heureux hasard. Ivan Calbérac m'a vu jouer en début d'année au Théâtre Paris-Villette dans « Songe à la douceur » de Justine Heynemann où je faisais de la guitare, de la batterie et du piano mais aussi dans « No Limit » de Robin Goupil, l'an dernier ici même, une pièce que je joue encore cette année avec plaisir. En audition, après avoir noté qu'avec mes cheveux un peu longs il y avait une certaine ressemblance, Ivan nous fait jouer trois scènes, il y en avait pour 45 minutes, une sacrée tartine ! Tout s'est très bien passé, j'ai aimé sa façon de diriger, de m'arrêter pour me demander un détail et de recommencer, comme s'il s'agissait d'une prise au cinéma (Ivan Calbérac est aussi réalisateur de films!).

Si vos cheveux avaient été plus courts, est-ce que votre carrière aurait été changée ?
Peut-être (rires). D'ailleurs j'en ai pas mal joué et je savais que, malgré l'été et la chaleur d'Avignon, je ne pourrais pas les couper trop courts. Une certaine ressemblance physique peut être importante, elle peut aussi aider à incarner un personnage.

Le rôle est difficile du fait de toutes les particularités de Glenn Gould. Tous les gestes, tics et autres attitudes qui caractérisent cet artiste hors du commun, êtes-vous amené à les apprendre, un peu comme du texte ?
Je l'ai beaucoup regardé en sachant aussi ce dont Ivan Calbérac voulait parler, à savoir son syndrome d'Asperger et le fait d'être psychologiquement torturé. Il y a des gestes qui reviennent en effet et en même temps, je garde une certaine liberté surtout après avoir bien intégré son personnage et ses réactions. Cela devient presque automatique, quand je rentre sur scène, j'entends une réplique et c'est le corps de Glenn Gould qui réagit, ce n'est plus moi. Avant de jouer, je me mets au piano, j'y passe quelques minutes, c'est ma façon de me mettre dans l'ambiance. Aujourd'hui Glenn Gould est forcément quelqu'un avec qui j'ai une relation particulière.

On vous retrouve après le festival d'Avignon pour ce même spectacle en septembre à Paris. Quid de vos activités musicales ?
Le fait de jouer le soir au Petit Montparnasse me permettra, du 12 au 23 septembre 2022, de répéter « Ariane », une pièce que j'ai écrite et que je mets en scène. La musique est présente puisque c'est l'histoire d'une chanteuse interprétée par Chloé Astor avec qui je chante en duo dans CavaleCavale. « Arianne » a la chance d'être co-produite par la Scène Nationale de Sénart et sera donnée en mars 2023 avec sept artistes au plateau. Le spectacle est inspiré du mythe d'Ariane et des destins tragiques des grands chanteuses populaires.
Avec CavaleCavale, nous terminons l'enregistrement de notre deuxième album par un clip et un spectacle. Nous avons gagné un Prix d'interprétation et nous sommes accompagné par L'Empreinte, un lieu de Seine et Marne dont je suis originaire disposant d'un grand plateau et dans lequel nous sommes quasi en résidence. À partir de janvier, nous faisons une série de concerts spectacle avec une scénographie, une création lumière. Pour les chanteurs et comédiens que nous sommes, c'est assez naturel de donner à notre concert une ligne dramaturgique. La rentrée s'annonce très excitante !
Paru le 18/07/2022