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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Denali
Au Studio Marigny

Bien loin du « Club des Cinq » de la Bibliothèque Rose des anciens, la génération « Ecran-pop corn » semble s'accommoder du noir et du trash. Désoeuvrée, aliénée par les réseaux sociaux, désenchantée, son réel tient dans le smartphone. Une immaturité symptomatique d'une époque qui parfois tourne au drame, comme dans cette histoire tirée d'un fait réel. Flippant, glauque, captivant, brillant ! Quelle claque !
Entre série Netflix et théâtre, sur une musique oppressante - jouée en direct, un must ! - voilà « Denali », un OVNI théâtral qui utilise au mieux l'espace scénique pour un thriller : double plateau, l'un pour la salle d'interrogatoire, l'autre, voilé où apparaissent vidéos, photos, sms, en mode « flash-back ». C'est rythmé, haletant, très bien séquencé - suspense oblige -, impeccablement monté.

On est hypnotisé de bout en bout par cette descente aux enfers d'ados attardés. D'un interrogatoire de police banal on va tomber dans l'horreur avec l'arrivée d'indices nouveaux qui à chaque fois réorientent l'enquête et intriguent le spectateur. Ces quatre jeunes - dont Denali, déjà mère à dix-sept ans après avoir été adoptée suite à des sévices familiaux -, de pauvres hères juste ballots et inconscients croient tout maîtriser, sont prêts à tout pour assouvir leur rêve de gloire et d'argent (Cela fait écho à la scène mythique du film « Polisse » de Maïwen où la gamine explique aux enquêteurs sans pudeur faire des fellations quand elle n'a pas le sou...dès lors qu'elle a faim ! )

Chez Denali, la vie ne vaut rien , ne tient à rien puisque même « une meilleure amie » peut être occise, sacrifiée sur l'autel du Dieu Dollar et donc - c'est sa logique - délivrée quelque part du spleen ambiant à Anchorage où il ne se passe rien. Jusqu'où va la compassion ...
Il suffira d'un révolver volé, une escapade de nuit, des jeux à se faire peur- apparemment inoffensifs - pour que l'affaire tourne à l'expédition punitive et au macabre. Il n'y a plus de sur-moi. La fumette aidant, comme aimantés par un filin diabolique, Denali charge l'arme. Va-t-elle tirer ? Qui sinon ? Et pour quel motif ? Au nom de quoi ? Et là l'affaire bascule car derrière ces « jeux mortifères » se cacherait un marionnettiste pervers et soi-disant riche. Ces enfants victimes mués en bourreaux d'un soir auraient été manipulés sur les réseaux par un pédo-criminel qui leur a promis des millions pour assouvir ses fantasmes mortifères. Au fur et à mesure que les indices affluent, la tension monte, du thriller on passe au film d'horreur. On ne va pas spolier la fin. Elle est exceptionnelle. Juste vous inviter à découvrir ce chef-d'oeuvre de Nicolas Le Bricquir qui, dans la narration subtile de cette jeunesse déconnectée comme dans sa mise en scène, a l'intelligence de ne porter aucun jugement moral mais juste nous interroger par ce fait divers tragique sur l'hyper-violence de notre époque, cette boussole perdue, cette jeunesse déconnectée, bousculée depuis l'arrivée du smartphone et des réseaux sociaux, qui se fait des films comme dans la télé-réalité avec l'illusion d'être un jour riche et célèbre.

Denali brille par son casting, - mention spéciale pour Lucy Brunet qui campe Denali - et la musique signée Louise Guillaume. Quelques « people » de renom ( Chatillez, Bachelot, Commandeur...) étaient dans la salle - déjà bondée - hier soir. C'est bon signe. Sans doute ont-ils eu vent de ce tabac en Avignon l'été dernier. Un tabac comme celui-là se déguste sans modération.
Paru le 30/11/2023

(55 notes)
DENALI
THÉÂTRE MARIGNY
Du vendredi 17 novembre 2023 au jeudi 28 mars 2024

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. En 2019, Cynthia, 19 ans, est retrouvée abattue d’une balle dans la nuque dans la rivière Eklutna en Alaska. Les derniers à l’avoir vue sont ses amis Denali et Kayden. Les détectives Jessica Hais et Lenny Torres vont mettre à jour une sordide histoire dont les adolescents sont autant victimes que ...

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