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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Panique en coulisses
au Théâtre des Variétés

De sa première apparition en 1967 dans un Goldoni au Petit Montparnasse à "Panique en coulisses" aux Variétés aujourd'hui, Jean-Luc Moreau est assurément un monument du théâtre français... qui ne se fissure pas. Il aura tout connu : la Comédie Française à ses débuts, dix ans à la tête de la cérémonie des Molières, deux ans comme réalisateur sur "H", des rôles récurrents en télé, six nominations aux Molières et, enfin, un Molière pour "Camille C". Aujourd'hui, il compte presque cent mises en scène à son palmarès et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Pour notre grand plaisir.
Le rythme, la prosodie, la métrique, le sens du burlesque, l'effet de surprise, il a cela dans le sang. Mettez Jean-Luc Moreau à la mise en scène d'une comédie et c'est l'assurance d'un rythme d'enfer, de portes qui claquent, de quiproquos, de surprises. C'est ainsi qu'il est devenu le spécialiste du Boulevard. Avec cette pièce de Michael Frayn, qu'il qualifie de nouveau Feydeau, il jubile car, ayant acheté les droits, il aura attendu des années pour la monter. Il a trouvé les producteurs idoines, la scénographie appropriée (un double décor tournant - le devant de la scène, les coulisses - escamotable à souhait). Après un casting de haute volée et une scène (Les Variétés) qu'il connait comme sa poche, place aux répétitions. Et là, on ne peut que tirer son chapeau à cet éternel gamin qui a su insuffler un rythme effréné, un travail sur le corps digne de l'école du cirque à neuf comédiens qui font plus que mouiller la chemise dans cette histoire loufoque de fiasco théâtral. C'est "le théâtre dans le théâtre" qui n'est pas sans rappeler "Thé à la menthe ou thé citron ?" de Patrick Haudecoeur ou les pièces de Robert Dhery. Les grincheux et autres jaloux auront beau arguer que c'est du vu, du revu, les faits sont têtus : c'est nouveau, moderne, kitsch à souhait, inattendu. C'est aussi un travail choral, sans "grands noms" - ce qui pourrait surprendre en cette période de crise du théâtre - mais on a là neuf talents d'une redoutable efficacité. Le sujet, l'écriture, le jeu sont aussi joyeux que déjantés. L'ensemble peut paraître incompréhensible, c'est normal, c'est ubuesque ! Et c'est là la force de la pièce. L'attention doit être soutenue. On ne saurait en perdre une miette car tout fait sens, rien n'est mis au hasard. Le texte est hilarant (la séquence de la lettre des impôts scotchée au doigt comme le sparadrap du Capitaine Haddock, l'évocation de Quasimodo et ses problèmes de lombaires en sont deux exemples au milieu d'une centaine). Chez Frayne, mis en scène par Moreau et adapté par Stéphane Laporte, quand les portes claquent, les poignées tombent, les sardines prennent vie, les cheikhs ne sont pas qu'en blanc, on peut s'habiller d'un tapis de bain... C'est cet humour "so British" qu'on affectionne. De l'inattendu rendu possible, du barré devenu crédible, tous les ressorts du rire sont activés. C'est une gymnastique de l'esprit pour un public non averti tant la vitesse d'exécution est vertigineuse. C'est une gymnastique du corps pour les comédiens qui jouent leur partition avec virtuosité car tout est lié et ne saurait supporter la moindre fausse note.

Donc... Pari une fois de plus réussi pour ce vaudeville mis en scène par un gamin de presque quatre-vingt printemps qui, partant de l'argument d'un fiasco en fait un succès populaire. Un conseil : ne lui parlez jamais de retraite !
Paru le 28/11/2023

(21 notes)
PANIQUE EN COULISSES - Une pièce à double face
THÉÂTRE DES VARIÉTÉS
Du mercredi 27 septembre 2023 au dimanche 7 janvier 2024

COMÉDIE, HUMOUR. Entre les ratés des répétitions et les actes manqués des représentations, le décor devient le théâtre des désaccords, se métamorphose en champ de mines. Les portes claquent comme des paires de claques. Les acteurs s’étripent en public, se mettent des pains entre deux cintres. Plus ils dégustent, p...

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