Superbe, Du théâtre engagé, mis en scène percutante et troupe au top! De plus, un très bel accompagnement musical.

"Le suicidé" est une farce soviétique féroce contre des élites qui pourraient tirer profit du geste fatidique, le transformant en cause nationale à leur bénéfice.
Derrière cette satire sociale écrite par Nicolaï Erdman en 1928, et interdite sous Staline, le jeu scénique orchestré par Jean Bellorini est un pur chef-d'œuvre artistique, grâce au bouillonnement créatif qui en ressort : une combinaison de plans filmés sur les comédiens induisant des effets spéciaux intéressants, des chorégraphies collectives astucieuses, et avant tout, une troupe enthousiaste, inspirée et variée. Sans oublier l'orchestre de trois musiciens qui évoquent la tonalité slave dans des moments tragiques ou comiques....
Par son rythme et sa puissance d'évocation, l'ensemble est un véritable opéra contemporain et confère à cette pièce du XXème siècle, une actualité impressionnante. Le spectacle fait un clin d'œil à l'actualité ukrainienne par ce refus d'un jeune mobilisé préférant se suicider pour choisir sa fin de vie et ne pas suivre la masse. Le parti pris de forcer les traits de la masse populaire et son aveuglement mental n'a rien de lourd, au contraire : Il fait ressortir l'absurdité d'un système sociétal, l'avilissement des masses, le musellement des opinions. A voir de toute urgence.

Extraordinaire. Malheureusement toujours d'actualité pour la Russie depuis l'écriture et l'interdiction de cette pièce de 1928. La peur de dire la vérité

Cette très belle pièce, très vite interdite par la censure soviétique, ressemble à un cauchemar éveillé. C'est d'ailleurs en pleine nuit que Sémione Sémionovitch, jeune chômeur sans le sou annonce à sa femme qu'il va se suicider. Celle-ci appelant à l'aide, la nouvelle se répand, et il voit arriver à lui une foule de personnages représentatifs de diverses parties de la société, religion, commerce, Intelligentsia, etc.., qui entendent bien profiter de ce mort pour lui faire dire ce qui leur tient à cœur, car lui rappellent-ils, « à l'époque où nous sommes, ce qu'un vivant peut penser, seul un mort peut le dire » !
Se laissant entrainer sans bien comprendre vers son suicide qu'en réalité il ne souhaite pas, mais acquérant ainsi une importance aux yeux des autres, Sémione finit par retrouver goût à cette vie, qui ne lui avait jusqu'ici rien apporté, à en questionner le sens, et à la privilégier.
Une très belle mise en scène, offrant un grand spectacle de troupe mêlant le jeu, le chant et la musique, fait ressortir l'ironie noire d'Edman et le côté grotesque de cette farce soviétique dont la dimension politique entre en résonance avec l'actualité, comme notamment le suicide d'un jeune rappeur russe présenté à la fin, qui a refusé par cet acte sa mobilisation sur le front ukrainien, et une complicité avec le régime russe actuel. Excellent!

L'on retrouve la troupe de Jean Bellorini avec ses frasques pour nous mettre dans l'ambiance du Stalinisme avec le texte de Nicolaï Erdman qui a fait preuve de tant d'abnégation pour le produire. C'est très bien joué et l'on s'amuse même si le contexte ne s'y prête pas. L'on ne peut s'empêcher de penser aux dictatures à travers le monde et à leurs dégâts humanitaires.