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© Laurencine Lot
Portrait par Jeanne Hoffstetter
Stéphane Bierry

Entre révolte et éclats de rire, nous avons parlé de théâtre et de peinture, de peur et de résonance, de cette nouvelle pièce où d'étranges nonnes nous donnent à penser.
Le théâtre... Qu'est donc cet art éphémère qui met au cœur tant de passion, tant de jeunesse aussi ? Stéphane Bierry est ce que l'on appelle "un enfant de la balle", "Papa, maman, ma sœur et moi", pourrait-il chanter. Car papa, maman se donnent corps et âme depuis 1957 à ce discret, mais célèbre Théâtre de Poche. Stéphane et Marion leur emboîtent le pas. Sortie de terre en 1942, la petite salle est toujours à l'avant-garde des découvertes, Jean Vilar y fait sa première mise en scène avec Orage de Strindberg, le mime Marceau et son Bip, bien d'autres encore, elle pourrait faire la fière la petite salle... Mais on a ici d'autres chats à fouetter, l'entreprise est familiale et non subventionnée, il faut maintenir le cap dans l'amour et le respect du théâtre. Ce n'est pas simple. "Aujourd'hui, les auteurs cherchent souvent LE truc, on essaie de monter un succès avant même de savoir si l'on a quelque chose à raconter. C'est le système de la télé, des médias, mais le théâtre fonctionne sur une autre longueur d'ondes. Il faut faire gaffe !" Après trois ans passés sur d'autres scènes, le comédien retrouve sa maison. Impatient et anxieux, il travaille sans relâche et pour cause. Il joue, signe là sa troisième mise en scène, dessine l'affiche et - depuis longtemps fou de peinture, tâtant lui-même avec succès du pinceau - réalise son premier décor.

"La peur m'emmerde, je suis entré en résistance"

Qu'est-ce qu'un metteur en scène ? "Un bidouilleur !" Qu'est-ce que ce bidouilleur ? "Quelqu'un qui écoute, regarde, qui est là pour aider, pour donner une couleur, un sentiment, une résonance. C'est aussi quelqu'un qui fait des choix... Il y a un complexe du créateur. Moi, je préfère donner à penser plutôt que d'imposer ma pensée. Je préfère transmettre une émotion qu'un message." En tant que bidouillage, tout cela n'est pas rien, d'autant que Les Nonnes, pièce haute en couleur du Cubain Eduardo Manet, tirée d'un fait divers, est loin d'être anodine. Une histoire de bandits, de Pieds Nickelés, une histoire drôle, grand-guignolesque ou terrifiante ? Créée autrefois en ces lieux dans une mise en scène de Roger Blin, elle offre aujourd'hui à Stéphane Bierry un véritable challenge. Qu'importe, il aime ça, rien ne l'ennuie plus que l'uniformité. "Cette pièce a 35 ans et il ne s'agit pas de se dire qu'elle est d'actualité. La révolution cubaine est terminée ! Ce qui est important c'est sa résonance dans le temps. Comme la résonance du sourire de La Joconde. On verra bien, c'est du théâtre, amusons-nous ! On ne joue pas en se demandant ce que cela va nous rapporter, mais pour le plaisir de le faire. Aujourd'hui, à tous les niveaux on nous pousse à vivre dans la peur, alors moi j'entre en résistance. La peur m'emmerde, le dogme m'emmerde. J'adore cette phrase de Montesquieu : "La gravité est le bonheur des imbéciles !""
Paru le 15/04/2005