Dramaturge couronné du double Molière en 1997 pour « Kinkali », Arnaud Bédouet y explore les vertiges du temps et de la mémoire à travers une comédie où se mêlent réel et imaginaire, fantômes du passé et moments de vie. Entre road-movie théâtral et tentative de réparation mutuelle, ce superbe texte interroge avec une rare délicatesse notre rapport à l'âge, au deuil et à l'impossible amour. Rencontre avec un auteur qui sait faire rire des blessures les plus profondes.

Je ne vais pas vous poser de questions qui dévoileraient le mystère de cette pièce, mais comment avez-vous imaginé le sujet qui ne manque pas de surprendre le spectateur ?
J'ai commencé à écrire sur la différence d'âge en pensant à un ami comédien. Par ailleurs, je voulais m'affranchir de mes univers fermés habituels, me faire plaisir et partir sans obligation en ouvrant l'espace, d'où cette idée de road movie théâtral.

Il faut dire un mot de l'extraordinaire prestation des deux comédiens, Philippe Magnan et Lou Chauvain. Aviez-vous l'un de ces deux noms en tête au moment de l'écriture et avez-vous donné votre sentiment sur ce parfait casting ?
Au début, je ne pense jamais à un comédien, par expérience, je sais que cela ne fonctionne pas comme cela. Par contre, j'avais vu Lou Chauvain au Rond-Point dans « Smith & Wesson » de Baricco. Elle m'avait impressionné. Philippe Magnan est un acteur que je connais et apprécie depuis longtemps. Ces deux choix se sont faits dans une harmonie absolue avec Catherine Schaub. Il y a entre ces deux artistes une véritable alchimie et c'était très important pour la pièce.

Aviez-vous une idée de la mise en scène en écrivant et comment définiriez-vous, votre lien avec Catherine Schaub qui nous livre un magnifique travail, épuré et d'une redoutable efficacité, tellement en accord avec votre texte ?
Oui, vous ne pouvez pas y échapper. Pendant que vous écrivez, viennent s'inscrire des images plus ou moins concrètes. Et vous vivez avec vos personnages, ce qui compense largement le fait que l'écriture soit un acte de grande solitude. Ceci dit, souvent, je ne mets pas en scène mes propres pièces, je trouve bien qu'un autre imaginaire vienne enrichir le mien. Je connaissais le travail de Catherine Schaub et tout s'est passé dans une grande complicité. Je lui ai donné mon texte en sachant à qui je le confiais. Son analyse des textes est extrêmement pertinente et fine.

Le spectateur est frappé par la qualité des dialogues de ces deux personnages si différents. A aucun moment, vous ne tombez dans la caricature. On imagine un long travail d'écriture. Une question vient alors à l'esprit : pourquoi n'avoir jamais écrit de roman ?
Je suis extrêmement lent, on en rit autour de moi, je n'arrive pas à rendre un texte. Parfois, c'est tellement long que je m'arrête, je réalise un film et je me remets à la pièce. Je prends mon métier comme un artisanat. Quant au roman, pour le moment, je suis impressionné par tous les grands noms de la littérature et cela me paralyse. Je ne peux pas l'expliquer. Mais un jour peut-être !