1939. Walter Elias Disney reçoit un oscar d'honneur pour Blanche-Neige et les Sept Nains, que l'Académie reconnaît comme « une innovation cinématographique significative qui a inauguré un nouveau terrain de divertissement pour le dessin animé. » Une récompense grandiose mais Disney est déçu ; il voulait concourir dans la catégorie « Meilleur Film » et qu'on traite enfin le cartoon comme du cinéma. Son film clôt quatre années de travail gargantuesques, une folie que dessine ce spectacle au Lucernaire.

Il était une fois Fanny Dupin, autrice et réalisatrice, qui découvre comment Disney a présenté à ses équipes ce grand projet : « Dans l'auditorium, une lampe allumée, un livre de conte à la main. Il leur a interprété Blanche-Neige et les Sept Nains tout seul, de A à Z. Je suis restée scotchée devant ce témoignage extraordinaire. Ce doit être le rêve d'un comédien de jouer ça. ».

Avec Damien Maric, auteur et producteur ayant travaillé aux 80 ans de Disney au Grand Rex en 2018, elle démarre un long travail de recherche à la rencontre d'un homme obstiné : « Il avait une vision très précise et tant qu'il n'arrivait pas à la transmettre, ça le rendait fou. C'est le lot des génies, entourés de pleins de gens mais dans un monde séparé. »
Seul en scène, Clément Vieu porte sur ses épaules ce bourreau de travail (et quelques autres, dont son précieux frère Roy), que Victoire Berger-Perrin, elle, s'attache à mettre en scène : « Il est seul mais avec des centaines de collaborateurs autour de lui. Et il faut qu'on le ressente, comme si c'était les sept nains qui bossaient à la mine. Il y aura des bruits de pinceaux, de crayons, beaucoup de rythme qui signifie aussi l'urgence. »
Car la création de Blanche-Neige est une course face au temps, à l'argent et à la créativité : « On va voir un compteur avec le temps qui passe et l'argent qui file. » explique Damien Maric. La pression s'intensifie pour Disney et son équipe : « Certains ne voyaient pas leur famille, travaillaient le week-end. Ils ont donné trois ans de leur vie. »

Arrivait-on quand même à siffler en travaillant, comme chantait Blanche-Neige ? « Pas tout le temps » confie Fanny Dupin, « mais c'est ce qu'il essayait de créer. Quoi qu'il arrive, il donnait les moyens à ses équipes : une ménagerie, des bâtisseurs, des acteurs. Tout pour que ce soit le plus réel possible. »

Il était une fois un homme héritier d'une enfance violente, traversé d'angoisses et d'idées lumineuses. Un portrait de Disney par Floyd Norman, premier homme noir de ses équipes, dépeint un homme meurtri, avec une cigarette à la bouche, qui regarde en coin. Et c'est cet homme qui décide un jour « d'ouvrir la voie aux longs-métrages d'animation, de révolutionner le cinéma et l'histoire, quoi qu'il en coûte. » rappelle Fanny Dupin. « Il faut qu'on soit à la hauteur de cet homme là. »