Je viens littéralement de voir sur scène ce Danton imposant que l'on imagine, jouisseur, pas beau, pas très intègre non plus, l'orateur magnifique, face à un Robespierre tout de minceur, idéaliste et guindé. Je viens de vivre en direct une période de l'Histoire. L'amitié profonde qui lie ces deux piliers de la révolution résistera-t-elle à la rivalité qui les oppose ? Nous connaissons la fin. Danton guillotiné à 34 ans, suivi quelques mois plus tard par Robespierre qui en avait 36. L'élégante et sobre mise en scène de Morgane Lombard, les beaux costumes d'époque et deux comédiens magnifiques au service d'un texte haut de gamme... Le public est bluffé, j'en témoigne.

Pour moi ce travail était presque une nécessité

Dans le hall du théâtre, l'Histoire se poursuit, l'auteur s'enflamme en nous racontant la mort de Robespierre pendant que Nathalie Mann, devant sa pile de fascicules parus aux Éditions de la Librairie Théâtrale, a un mal fou à suivre la demande de dédicaces. Mais, quel est le vrai, quel est le faux dans ce texte si plausible ? Pour quelle raison une femme pour incarner Robespierre ? « Je connais bien la période, ses enjeux, et la raison pour laquelle Danton avait voulu cette rencontre. Robespierre écrivait ses discours qui ont été publiés, sur lesquels je me suis appuyé, ainsi que sur des lettres, mais Danton n'écrivait pas, il fallait reprendre les journaux de l'époque pour retrouver ses phrases. Je suis donc parti de là pour imaginer cette rencontre en retenant des phrases qu'ils avaient réellement prononcées. Pour moi, ce travail était presque une nécessité parce qu'on veut toujours opposer Danton et Robespierre alors que, dans la réalité, ils avaient tant de choses en commun ! Ils étaient un peu comme un couple, ce que j'ai voulu montrer en proposant à Nathalie, qui a beaucoup hésité, le rôle de Robespierre, et elle est vraiment formidable dans son incarnation. »

Alexis Corbière, qui par le passé enseigna l'histoire, ainsi que des professeurs et de nombreux jeunes gens ont vu le spectacle à Avignon ou à Paris, donnant naissance à des débats animés. J'ai parlé longuement avec Hugues Leforestier. Curieusement ce texte met aussi en lumière, non sans humour, notre actualité, la démocratie, la liberté... « Oui, ça m'a stupéfait quand je l'ai écrit, alors je me suis permis quelques blagues, c'est vrai. J'ai été surpris du nombre de politiques, d'historiens qui se réclament de Robespierre aujourd'hui, et ça n'était pas le souvenir que j'en avais. Parce qu'il était honni jusqu'au début du dix-neuvième avant qu'un premier historien ne le réhabilite suivi plus tard par d'autres. Donc beaucoup de gens à gauche se sont intéressés à ce personnage qui était, comme l'a dit Marx, le premier penseur de la Révolution. Alors, j'ai eu besoin de comprendre, puis quand j'ai compris, je me suis dit qu'il serait intéressant que les gens se fassent leur propre opinion.»