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D.R.
Interview par Jeanne Hoffstetter
"Rose Royal" mise en scène par Romane Bohringer
à la Comédie Studio des Champs-Élysées

Troublante, Anne Charrier tient le public en haleine depuis le bar du Royal où, devenue Rose, elle se réfugie pour oublier ses blessures, suivie par la « mise en scène » magnifique de Romane Bohringer.
Anne Charrier est venue vous trouver avec son adaptation d'une nouvelle de Nicolas Mathieu dont elle avait acquis les droits. Racontez-nous.
C'est la première fois qu'une personne extérieure à mon univers m'apporte un texte avec la demande de l'accompagner dans son désir de le porter sur scène. Je me suis dit : Pourquoi moi ? Que ce soit comme réalisatrice ou metteur en scène, je suis toujours partie de projets très personnels, alors je craignais de ne pas être à la hauteur de son désir, j'ai même failli dire non. Mais après avoir vu son formidable travail d'adaptation, j'ai décidé d'aller au-devant de son désir et accepter de la découvrir.

Alors, pourquoi vous ?
C'est Caroline Verdu, la directrice du théâtre de la Pépinière où j'ai beaucoup joué, qui a vu le spectacle « Quinze rounds » où j'ai mis en scène mon père à partir de son livre. Elle avait été touchée par la complicité qui s'en dégageait et a pensé que l'on allait très bien s'entendre Anne et moi.

Nicolas Mathieu aborde là le thème du féminicide d'une manière, disons... inattendue dont Anne Charrier s'est emparée à son tour, en quoi ce texte vous a-t-il touchée ?
La langue de Nicolas Mathieu est surprenante. Sa nouvelle est écrite à la troisième personne et commence par le portrait assez impressionniste d'une femme de 50 ans qui boit. À travers son quotidien, le récit de son passé, quelque chose s'installe, on ne sait pas tout à fait quoi... C'est ramassé, court, brillant. Anne l'a retravaillé à la première personne et inventé une gouaille qui soit celle de Rose, en respectant les mots et la personnalité de l'auteur. C'est un sacré travail !

Vous parlez d'accompagnement plutôt que de mise en scène. A travers la complicité, la sensibilité, la puissance que l'on ressent, la beauté de ce spectacle vous doit aussi beaucoup.
Comme le texte ne venait pas de moi, ni la volonté d'en faire la mise en scène, mais que tout venait d'Anne, je me suis donnée pour mission intime d'inventer un espace où je puisse être le témoin privilégié de la rencontre de cette actrice avec ce texte. J'ai appris à la regarder, à l'écouter, à la voir dans la vie de tous les jours. Je lui trouve une grâce folle. A travers ce que j'apprenais d'elle, sa légèreté, sa profondeur, son mystère, je me suis dit : à quel endroit touche-t-elle Rose Royal ? Quel est son désir ? J'ai voulu éclairer ça en passant aussi par les costumes, les décors, le jeu... Je vous donne un exemple : quand elle m'a dit : j'adore chanter, je lui ai dit, c'est ton spectacle, il faut que tu chantes. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur les déplacements physiques dans l'espace. Je me réveillais la nuit en me disant : "qu'est-ce qu'une mise en scène ?" Et j'en revenais à : "quelle est cette rencontre entre ces deux femmes que nous sommes ?" Il m'appartenait de faire ce qu'Anne a construit avec ce personnage sans essayer de la transformer. Voilà ce qui a éclairé mon chemin et qui fait que je me sens plus riche humainement et intellectuellement depuis.
Paru le 21/11/2025

(38 notes)
ROSE ROYAL
STUDIO DES CHAMPS-ELYSEES
Jusqu'au dimanche 28 décembre

SEUL(E) EN SCÈNE. Je m’appelle Rose. J’ai 50 ans. Je m’en fous, j’ai de beaux restes. Et avec les mecs, je sais me défendre. Je peux vous dire que le dernier type avec qui je suis sortie a eu chaud. Un soir, il matait le JT pendant que j’étais au téléphone. Il m’a dit : "Mais tu vas fermer ta gueule !?" Motif : je ...

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