Zoom par Patrick Adler
Mamie Luger
À l’Essaïon
Quand elle décide, à 85 printemps, de rencontrer Benoît Philippon pour jouer Berthe, la mamie flingueuse du roman, Josiane Carle sait qu'elle tient là le rôle de sa vie, comme Tsilla Chelton dans "Tatie Danièle". Elle en signe, avec Carole Chevrier, l'adaptation et enjoint son complice de toujours Antoine Herbez de la suivre dans l'aventure. Il s'attèle au jeu et à la mise en scène. Le succès est au rendez-vous. A l'Essaïon, tous deux font salle comble depuis le début. Alors, courez les voir, c'est jubilatoire ! Un conseil : Il est prudent de réserver.
Elle a la voix rocailleuse des vieilles dames indignes, Berthe. Le ton est sec, incisif, péremptoire. Il ne fallait pas la sortir du lit aussi tôt. A six heures du mat', comme dans la chanson, elle a des frissons et est surtout de fort méchante humeur. Peu lui chaut que ce soit la police qui vienne la déloger et qu'elle soit en garde à vue. L'histoire ne dit pas si elle est végane, une chose est sûre, elle n'aime pas le poulet. Ni les convenances, les blablas, les chichis. A 102 ans, elle n'a plus rien à perdre, alors elle est cash, tutoie le chaland - ici, le capitaine Ventura - déformant son nom (il deviendra Lino, comme l'acteur), exigeant café, croissants, coca. C'est elle la maîtresse du jeu, d'ailleurs il a tout intérêt à accéder à ses petits caprices s'il veut creuser plus profond dans l'intrigue. ("Tu veux que je te cause ? Alors, apporte-moi un café", sic) Elle s'amuse, elle joue, se rit de tout, déroule son histoire comme un teasing et sans pudeur. Elle a visiblement tout son temps !
La "Ma' Dalton" auvergnate ne fait pas dans le détail, qu'on se le dise ! Machiavélique en diable, elle sait aussi jouer sur la corde sensible en convoquant des souvenirs douloureux : une enfance malheureuse, une grand-mère qui se prostitue, la guerre, son amant, un G.I. black discriminé parti trop tôt... Mais revenons aux faits. Le Luger a servi. Et combien de fois ? Les recherches avancent, la maison est fouillée de fond en comble, surtout la cave qui, à la surprise générale, est une véritable nécropole. On avait connu "Sept morts sur ordonnance". Mamie Luger améliore le record. Ce seront bientôt huit, neuf, dix qui s'afficheront au compteur. Elle ne fait pas dans le détail, la Dame Tartine, et pourtant elle a été...droguiste ! Et, si elle se déplace lentement, force est de constater qu'elle en a sous le pied... et dans les bras car c'est elle, elle seule qui, à coups de pelle, a creusé dans la cave pour ensevelir "les gêneurs". On rit, mais on rit jaune devant tant d'horreurs. On est comme aimantés par cette bonne femme aux faux airs de Pauline Carton, par son bagout, sa morgue - sans jeu de mots - incroyables. Le Capitaine Ventura ne s'attendait sûrement pas à tant de révélations. C'est carabiné, à l'image du "Luger", de la mamie, un pistolet datant de la seconde guerre mondiale, désormais accolé à son nom à elle.
La pièce, un huis clos haletant, est formidablement ficelée et tient au talent de ses deux interprètes : la diabolique et géniale Josiane Carle et Antoine Herbez, impeccable de sobriété, qui alterne avec talent fermeté et mansuétude. Si vous aimez l'humour noir, le suspense, le franc-parler, vous finirez presque, comme Ventura, par avoir de la compassion pour cette vieille dame indigne et même monstrueuse. N'ayez pas honte, ce n'est que du théâtre et ça fait un bien fou de rire et de se faire peur, non ?
La "Ma' Dalton" auvergnate ne fait pas dans le détail, qu'on se le dise ! Machiavélique en diable, elle sait aussi jouer sur la corde sensible en convoquant des souvenirs douloureux : une enfance malheureuse, une grand-mère qui se prostitue, la guerre, son amant, un G.I. black discriminé parti trop tôt... Mais revenons aux faits. Le Luger a servi. Et combien de fois ? Les recherches avancent, la maison est fouillée de fond en comble, surtout la cave qui, à la surprise générale, est une véritable nécropole. On avait connu "Sept morts sur ordonnance". Mamie Luger améliore le record. Ce seront bientôt huit, neuf, dix qui s'afficheront au compteur. Elle ne fait pas dans le détail, la Dame Tartine, et pourtant elle a été...droguiste ! Et, si elle se déplace lentement, force est de constater qu'elle en a sous le pied... et dans les bras car c'est elle, elle seule qui, à coups de pelle, a creusé dans la cave pour ensevelir "les gêneurs". On rit, mais on rit jaune devant tant d'horreurs. On est comme aimantés par cette bonne femme aux faux airs de Pauline Carton, par son bagout, sa morgue - sans jeu de mots - incroyables. Le Capitaine Ventura ne s'attendait sûrement pas à tant de révélations. C'est carabiné, à l'image du "Luger", de la mamie, un pistolet datant de la seconde guerre mondiale, désormais accolé à son nom à elle.
La pièce, un huis clos haletant, est formidablement ficelée et tient au talent de ses deux interprètes : la diabolique et géniale Josiane Carle et Antoine Herbez, impeccable de sobriété, qui alterne avec talent fermeté et mansuétude. Si vous aimez l'humour noir, le suspense, le franc-parler, vous finirez presque, comme Ventura, par avoir de la compassion pour cette vieille dame indigne et même monstrueuse. N'ayez pas honte, ce n'est que du théâtre et ça fait un bien fou de rire et de se faire peur, non ?
Paru le 30/09/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (24 notes) THÉÂTRE ESSAÏON Jusqu'au samedi 1 novembre
COMÉDIE. A l'heure où la parole se libère, où la violence faite aux femmes est enfin un vrai sujet, quel bonheur de le voir traité par une centenaire dynamique et cocasse, une féministe de la première heure, de la survie, une preuve vivante d'un patriarcat ancestral et banalisé !
|