Dossier par Jeanne Hoffstetter
Le théâtre de la Michodière fête son centenaire
C'est au cœur des années folles et de la vogue du mouvement Art déco, le 16 novembre 1925, qu'il s'ouvre à un public ravi de découvrir ce nouveau lieu de divertissement dû à l'architecte Bluysen et décoré par Ruhlmann.
« Je promets d'y faire un excellent travail et de toujours y préférer le mieux au bien. » déclarait à l'ouverture le premier directeur, Gustave Quinson.
Pour moi, l'envie est là de traverser le miroir pour tenter de pénétrer l'âme de ce bel endroit et d'approcher ceux qui, durant tant d'années, contribuèrent à son succès. Après avoir admiré les appliques et motifs Art déco, le fronton de scène superbement entretenu, offerts à tous les regards, Judith Marouani, mon guide, me montre les travaux en cours dans la salle et m'entraîne le long d'un dédale de couloirs. « Regardez » dit-elle en riant : « Pour sortir, suivez le trait bleu sur le mur », est-il indiqué...
Yvonne Printemps et Pierre Fresnay, un couple médiatique à la direction de 1937 à 1975
Directrice adjointe du théâtre depuis dix ans et très attachée à ce lieu qui la touche et la passionne, elle ouvre une porte et... la maîtresse des lieux, habillée par Jeanne Lanvin, pourrait entrer d'un moment à l'autre, enfiler l'une de ces robes et s'installer devant sa coiffeuse... Judith Marouani me sort alors de mon rêve. « C'était la loge d'Yvonne Printemps, tout le mobilier est là aussi. Jacques Crépineau, qui avait repris la direction en 1981 alors que le théâtre était à l'abandon après la mort de Pierre Fresnay, avait fait promettre de la conserver telle quelle. Aujourd'hui encore on sent dans tout le théâtre la présence d'Yvonne Printemps qui était une véritable diva au fort caractère. Elle avait par exemple l'habitude d'insulter régulièrement Pierre Fresnay devant témoins. Mais lui disait : « Là où vous entendez des insultes, moi j'entends des mots d'amour. » C'était leur façon de fonctionner. Cette loge nous la donnons rarement aux comédiens mais Geneviève Casile l'occupera à la rentrée. Et voici celle de Pierre Fresnay qui a été modernisée. Michel Fau monte sa quatrième pièce à la Michodière depuis 2022 et l'occupe maintenant. Elle est toute petite mais il la préfère aux plus grandes pour son histoire et ses fantômes. On a l'impression que le temps s'est un peu arrêté ici et il se sent chez lui au cœur de cette époque. »
Le long des couloirs, la vie s'affiche lointaine ou plus récente, nominations aux Molière, photos, affiches, dessins de décorateurs... Des ombres se faufilent, Michel Simon, François Périer à la direction artistique entre 1950 et 1967, Poiret et Dabadie, Georges Feydeau et Jean-Claude Brialy, Jacqueline Maillan, Pierre Mondy... Elles sont si nombreuses les ombres.
En 2014, Richard Caillat, véritable amoureux du théâtre, apporte sa vision entrepreneuriale.
Revenues dans le bureau de Judith Marouani la conversation se poursuit : « Jacques Crépineau a choisi en 2014 Richard Caillat pour lui succéder, lui permettant d'accéder à son rêve, lui qui adorait la Michodière et ses comédies mythiques. La production théâtrale et le marketing comptent parmi ses activités et son idée est de développer la communication en se servant des outils modernes, de donner envie aux jeunes de venir, de suivre et de choyer le public ; nous proposons un voiturier et un service d'accueil motivé. Côté scène, nous avons à cœur de rendre la vie agréable aux auteurs, comédiens, metteurs en scène, qui tous semblent heureux ici. En ce moment nous préparons le centenaire, entourés de toutes ces belles ondes, et c'est passionnant de pouvoir rendre hommage à cette époque-là dans un théâtre si bien conservé ! »
Regard sur un programme à la hauteur :
« La jalousie » de Sacha Guitry montée par Michel Fau.
« Un clin d'œil à Guitry pour célébrer cet anniversaire, quand on sait qu'Yvonne Printemps l'a quitté pour Pierre Fresnay qu'il lui avait présenté, et qu'il s'en est suivi une crise de jalousie mémorable. Par ailleurs Jean Anouilh, le grand-père de Gwendoline Hamon, a créé ici "Léocadia" avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay en 1940... il y avait là des tas de petites étoiles pour que ce spectacle se fasse. Et quand Michel nous a fait une lecture, nous sommes tous tombés sous le charme. Face au génial Michel Fau, Gwendoline Hamon est pétillante à souhait, Geneviève Casile est l'immense comédienne que l'on connait, Alexis Moncorgé dans un registre où on ne l'imaginait pas forcément apporte sa modernité, sa fraîcheur, et les quatre autres comédiens sont formidables... Ça va être magnifique. »
« L'expérience théâtrale » de Laurent Ruquier, montée par Anne Bouvier :
« Là je ne veux pas trop en dévoiler mais c'est une très jolie comédie où les rôles sont inversés. Cela a du sens de programmer un auteur contemporain qui parle du théâtre, lui rend hommage comme il sait si bien le faire avec sa plume, son humour et tout l'amour qu'il lui porte, tout comme celui qu'il porte aux comédiens représentés ici par deux générations, Max Boubril et François Berléand. C'est la première fois depuis dix ans que nous programmons un 19 heures pour une très belle rentrée festive marquée par le centenaire. »
Et une passionnante exposition :
« Nous allons exposer certains éléments remarquables, comme les agendas des régisseurs depuis 1925, que vous voyez là. Chaque jour ils notaient le temps qu'avait duré la représentation, s'il y avait un comédien malade, s'il avait fallu reprendre un acteur parce qu'il avait fumé dans les coulisses... C'est incroyable ! Nous avons aussi tous les programmes parfaitement conservés depuis cent ans, et puis les robes d'Yvonne Printemps ainsi que de vieilles affiches, oui nous avons vraiment matière à faire une magnifique exposition. Elle aura lieu dans le foyer qui a été entièrement repeint. Enfin nous aimerions faire une soirée en convoquant les grands noms qui sont toujours là et qui ont joué ici, mais pour l'instant je ne peux rien dire de plus. »
Pour moi, l'envie est là de traverser le miroir pour tenter de pénétrer l'âme de ce bel endroit et d'approcher ceux qui, durant tant d'années, contribuèrent à son succès. Après avoir admiré les appliques et motifs Art déco, le fronton de scène superbement entretenu, offerts à tous les regards, Judith Marouani, mon guide, me montre les travaux en cours dans la salle et m'entraîne le long d'un dédale de couloirs. « Regardez » dit-elle en riant : « Pour sortir, suivez le trait bleu sur le mur », est-il indiqué...
Yvonne Printemps et Pierre Fresnay, un couple médiatique à la direction de 1937 à 1975
Directrice adjointe du théâtre depuis dix ans et très attachée à ce lieu qui la touche et la passionne, elle ouvre une porte et... la maîtresse des lieux, habillée par Jeanne Lanvin, pourrait entrer d'un moment à l'autre, enfiler l'une de ces robes et s'installer devant sa coiffeuse... Judith Marouani me sort alors de mon rêve. « C'était la loge d'Yvonne Printemps, tout le mobilier est là aussi. Jacques Crépineau, qui avait repris la direction en 1981 alors que le théâtre était à l'abandon après la mort de Pierre Fresnay, avait fait promettre de la conserver telle quelle. Aujourd'hui encore on sent dans tout le théâtre la présence d'Yvonne Printemps qui était une véritable diva au fort caractère. Elle avait par exemple l'habitude d'insulter régulièrement Pierre Fresnay devant témoins. Mais lui disait : « Là où vous entendez des insultes, moi j'entends des mots d'amour. » C'était leur façon de fonctionner. Cette loge nous la donnons rarement aux comédiens mais Geneviève Casile l'occupera à la rentrée. Et voici celle de Pierre Fresnay qui a été modernisée. Michel Fau monte sa quatrième pièce à la Michodière depuis 2022 et l'occupe maintenant. Elle est toute petite mais il la préfère aux plus grandes pour son histoire et ses fantômes. On a l'impression que le temps s'est un peu arrêté ici et il se sent chez lui au cœur de cette époque. »
Le long des couloirs, la vie s'affiche lointaine ou plus récente, nominations aux Molière, photos, affiches, dessins de décorateurs... Des ombres se faufilent, Michel Simon, François Périer à la direction artistique entre 1950 et 1967, Poiret et Dabadie, Georges Feydeau et Jean-Claude Brialy, Jacqueline Maillan, Pierre Mondy... Elles sont si nombreuses les ombres.
En 2014, Richard Caillat, véritable amoureux du théâtre, apporte sa vision entrepreneuriale.
Revenues dans le bureau de Judith Marouani la conversation se poursuit : « Jacques Crépineau a choisi en 2014 Richard Caillat pour lui succéder, lui permettant d'accéder à son rêve, lui qui adorait la Michodière et ses comédies mythiques. La production théâtrale et le marketing comptent parmi ses activités et son idée est de développer la communication en se servant des outils modernes, de donner envie aux jeunes de venir, de suivre et de choyer le public ; nous proposons un voiturier et un service d'accueil motivé. Côté scène, nous avons à cœur de rendre la vie agréable aux auteurs, comédiens, metteurs en scène, qui tous semblent heureux ici. En ce moment nous préparons le centenaire, entourés de toutes ces belles ondes, et c'est passionnant de pouvoir rendre hommage à cette époque-là dans un théâtre si bien conservé ! »
Regard sur un programme à la hauteur :
« La jalousie » de Sacha Guitry montée par Michel Fau.
« Un clin d'œil à Guitry pour célébrer cet anniversaire, quand on sait qu'Yvonne Printemps l'a quitté pour Pierre Fresnay qu'il lui avait présenté, et qu'il s'en est suivi une crise de jalousie mémorable. Par ailleurs Jean Anouilh, le grand-père de Gwendoline Hamon, a créé ici "Léocadia" avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay en 1940... il y avait là des tas de petites étoiles pour que ce spectacle se fasse. Et quand Michel nous a fait une lecture, nous sommes tous tombés sous le charme. Face au génial Michel Fau, Gwendoline Hamon est pétillante à souhait, Geneviève Casile est l'immense comédienne que l'on connait, Alexis Moncorgé dans un registre où on ne l'imaginait pas forcément apporte sa modernité, sa fraîcheur, et les quatre autres comédiens sont formidables... Ça va être magnifique. »
« L'expérience théâtrale » de Laurent Ruquier, montée par Anne Bouvier :
« Là je ne veux pas trop en dévoiler mais c'est une très jolie comédie où les rôles sont inversés. Cela a du sens de programmer un auteur contemporain qui parle du théâtre, lui rend hommage comme il sait si bien le faire avec sa plume, son humour et tout l'amour qu'il lui porte, tout comme celui qu'il porte aux comédiens représentés ici par deux générations, Max Boubril et François Berléand. C'est la première fois depuis dix ans que nous programmons un 19 heures pour une très belle rentrée festive marquée par le centenaire. »
Et une passionnante exposition :
« Nous allons exposer certains éléments remarquables, comme les agendas des régisseurs depuis 1925, que vous voyez là. Chaque jour ils notaient le temps qu'avait duré la représentation, s'il y avait un comédien malade, s'il avait fallu reprendre un acteur parce qu'il avait fumé dans les coulisses... C'est incroyable ! Nous avons aussi tous les programmes parfaitement conservés depuis cent ans, et puis les robes d'Yvonne Printemps ainsi que de vieilles affiches, oui nous avons vraiment matière à faire une magnifique exposition. Elle aura lieu dans le foyer qui a été entièrement repeint. Enfin nous aimerions faire une soirée en convoquant les grands noms qui sont toujours là et qui ont joué ici, mais pour l'instant je ne peux rien dire de plus. »
Paru le 17/10/2025





