Connexion : Adhérent - Invité - Partenaire

D.R.
Zoom par Patrick Adler
Enfantillages
Funambule Montmartre

En observatrice avisée, Leonore Confino n'en finit pas d'étudier et d'interroger le couple. Elle écoute, fait parler - souvent haut et fort - et délivre car, pour elle, la parole est un baume. Avec "Enfantillages", elle nous présente le "chaos" de l'amour vu par Alice, une enfant "différente". En effet, Alice ne parle pas et se réfugie dans une bulle quasi autistique avec un imaginaire de poupées merveilleux - Ken et Barbie -, qui fait le pendant à la relation névrotique, voire toxique de ses parents. Un jour, Alice fugue chez sa tante... et parle. Pas à ses parents. À sa tante. Le couple s'interroge. Forcément. En convoquant leurs souvenirs depuis la naissance de l'enfant, ils dressent un bilan aussi déprimant que tendre, se renvoyant dos à dos l'incapacité à gérer l'enfant. Les défis de la parentalité sont parfois difficiles à relever. Ici, c'est cash, percutant et plutôt bien vu.
Ils sont jeunes, ils sont beaux. Beaux et même... bobos. Comme Ken et Barbie, lui est brun, elle est blonde. Ils ont tout pour être heureux : bien mis de leur personne, plutôt à l'aise financièrement, ils pourraient incarner le couple parfait si la gestion du handicap de leur enfant ne venait relancer tous les ressentiments enfouis (l'absence du mari à l'accouchement, la remise en cause de certains rites et codes professionnels, le partage des tâches au quotidien, la frustration de la femme au foyer). Ces petits "enfantillages", quand ils tournent à la colère, à des revendications féministes, allant presque jusqu'à l'implosion du couple avec son lot de violences verbales, de corps qui s'entrechoquent dans un "Je t'aime, moi non plus" permanent, démontrent la fragilité et la solitude du couple face au handicap de leur enfant et au regard porté par l'entourage.
D'ailleurs, Alice, personnage central de la pièce, si elle n'est pas présente, est le point de fixation et de crispation du couple qui l'évoque, la cite en boucle. C'est l'enfant de l'amour mais aussi de la douleur, de l'incompréhension des parents, surtout quand - coup de théâtre ! - elle se réfugie chez sa tante... et parle.
Les dialogues sont souvent ironiques, mordants, incisifs, voire violents. Ils traduisent l'usure d'un couple qui se fissure mais ne s'avoue pas vaincu. Car derrière tous ces reproches, cette rancœur, cette amertume, c'est un flot d'amour qui les unit.
Le jeu développé par Valentine Darruty et Adrien Herrera est intense, physique, très physique. Camille Edwards, la metteuse en scène, a su diriger avec habileté et précision ces deux merveilleux comédiens dans ce flux ininterrompu de violences conjugales. Retenez bien leur nom car ils portent avec talent un texte parfois ardu et - oserait-on le dire - perché. Époustouflants dans leur gestion du rythme, leur animalité, ne lâchant rien et nous tenant en haleine plus d'une heure durant, ils portent la pièce avec brio. Après "Ring" qui interrogeait déjà le couple, Léonore Confino confirme avec subtilité son analyse de la crise conjugale que subliment scéniquement Camille Edwards et ses deux petits prodiges Valentine Darruty et Adrien Herrera. Laissez-vous tenter !
Paru le 26/09/2025

(6 notes)
ENFANTILLAGES
THÉÂTRE FUNAMBULE MONTMARTRE
Jusqu'au mercredi 26 novembre

TRAGI-COMÉDIE à partir de 12 ans. "Un mot. Un… qui ose encore sortir de ta bouche et je me coupe en deux. Schlark !" Alice ne veut plus parler qu’à ses seules poupées, Barbie et Ken. Ses parents jonglent tant bien que mal avec les contraintes d’un quotidien déjà difficile et le poids du handicap de leur fille.

Voir tous les détails