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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Marius
Au Chien qui fume

Si le théâtre est son église, force est de constater que les fidèles sont de plus en plus nombreux. Avec ce "Marius", le Pape du Off Jean-Philippe Daguerre va devoir, comme son illustre prédécesseur, multiplier les pains (bagnats ?) et remplacer le vin de messe par du pastis car les fidèles sont plus que jamais présents au "Chien qui fume".
"C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme", chantait Renaud. Marius en est l'exemple-type, tiraillé entre l'amour pour son père, pour Fanny et pour la mer. Ah, cette envie d'ailleurs... L'ouverture de la pièce se fait en chanson.

Dès les premières notes, c'est tout le soleil du Sud qui chante et qui danse dans un décor presque à l'authentique avec ce mythique Bar de la Marine, ces pavés, ces étals de coquillages, sa voile, son accent. En s'attaquant à Marius, même auréolé de ses cinq Molières 2025, Jean-Philippe Daguerre sait qu'il s'attaque à un patrimoine national. Mais quand deux conteurs se rencontrent... cela donne un opus d'une belle fluidité où le texte est respecté à la virgule près, avec la même poésie, la même douceur, qui trouve son acmé avec ces moments magiques où les répliques-cultes fusent. Nous avons beau les connaître par coeur, nous sommes une fois de plus cueillis. Parfois même, nous tombons sur des pépites oubliées comme "ça le fatiguait de traîner son ombre" ou "à Marseille, il n'y a rien de plus pénible que le travail".

Si la pièce de Pagnol est aussi drôle qu'émouvante, il fallait un casting de haut vol pour la servir et là, les apôtres - réduits à sept à la table du christique Jean-Philippe Daguerre - ont été triés sur le volet. Et quelle réussite ! Effet waouh ! Romain Lagarde, truculent et tendre César, ferait presque oublier Raimu, Juliette Béhar, récemment Molièrisée aussi, campe une Fanny sensible et délicieuse en tous points, le fougueux Geoffrey Palisse est très convaincant en Marius, dans ses désirs comme dans ses doutes, Christophe Mie donne un Escartefigue colérique et touchant qui trouve son pendant chez le discret M. Brun, incarné par Grégoire Bourbier. Les cocasses et drolatiques Teddy Melis en Panisse, gauche, filou et émouvant et Solange Milhaud, truculente et énergique à souhait en Honorine, viennent compléter cette distribution... au cordeau !

On aime ce classique revisité avec élégance et justesse où la loi des trois tiers, comme chez Pagnol, ne compte plus car, comme le Mandarin, on est débordé... d'admiration ! A l'instar de leur guide, la troupe est sincère, généreuse, donne tout et s'amuse follement.

Si le daguerréotype est le procédé fondateur de la pratique photographique, Jean-Philippe Daguerre nous offre avec ce "Marius" une photographie moderne qui fleure bon le sépia et la nostalgie heureuse. Allez, on se la tente, cette conclusion ? Jean-Philippe et toute la troupe de Babouchka, vous nous avez fendu le coeur !
Plus d'informations : www.chienquifume.com/
Paru le 23/07/2025