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Alejandro Guerrero
D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Zoom
Girasole

Zoom s'inscrit déjà comme un véritable phénomène théâtral, Après plus de 350 représentations, Pamela Ravassard, qui a - entre autres -signé la mise en scène de Courgette (7 nominations et le Molière 2024 de la comédienne à Vanessa Caihol) joue un seul-en-scène époustouflant où elle campe une Mère Courage sévèrement cabossée, prête à tout - même à l'indicible - pour extirper l'atavisme familial, sortir du déterminisme ambiant et faire de son fils Burt... une star du cinéma. On rit, on pleure, on ressort bouleversé par cette peinture sociale qui n'est pas sans nous rappeler Chatillez et "La vie est un long fleuve tranquille" ou les films de l'anglais Ken Loach.
Coup de coeur absolu de la Rédaction !
On se rappellera longtemps de son rire sardonique, à contre-temps. Elle est comme ça, la mère de Burt, sans filtre, clownesque à son corps défendant, c'est un paquet d'amour, une énergie, une bonne foi... débordants. Elle voudrait bien changer sa vie, mais elle peut point. C'est, pour beaucoup, la "cassos-type", un brin vulgaire, grossière, c'est la "popu" à l'accent du Doubs, autre marqueur social. Comme dirait Brel : "Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là..."
Eh bien, chez elle, on cause. Elle a besoin de cela, celle qui ne se définit que comme la mère de Burt, un gamin conçu à la va-vite dans une salle de cinéma où l'on projetait "Tant qu'il y aura des hommes", avec justement un certain...vBurt Lancaster. Le géniteur, sans doute parti chercher des clopes, ne reviendra pas. La fille-mère (appellation de l'époque) va connaître la galère mais, pour son Burt qu'elle aime tant, rien ne l'arrête. Il est taiseux ? Qu'à cela ne tienne, elle parle pour deux et prendra les choses en main. Il est en échec scolaire ? À en juger par le nombre d'artistes qui l'ont été aussi et sont devenus des stars... Mais connait-elle son fils, sait-elle seulement qu'il n'aime rien tant que la musique ? Humilié, Burt entre dans la spirale de la violence. Devenu obèse, il peut prétendre après moult échecs aux castings au rôle du fils d'Obélix. La mère de Burt entend bien cette fois atteindre le Graal, à tout prix. Quitte à éliminer la concurrence. Et là, climax absolu, tout s'écroule !
On la voit apparaitre, quatre ans après, sans raison manifeste, dans une salle de classe vide. Le professeur principal est en retard. Alors... Elle va se lancer dans une logorrhée verbale aussi émouvante que drôle, refaire le film de sa vie, elle veut s'expliquer, demander pardon (elle a quand même buté le concurrent de son fils au casting, le môme est aujourd'hui handicapé à 30%). Elle voulait transmettre, elle a raté son coup mais elle est d'une sincérité absolue. Elle n'a juste pas les codes, pas la carte, pas la manière.
Sans pathos aucun, avec un franc-parler vrai et bouleversant, Pamela Ravassard incarne à la perfection cette "prisonnière" des codes et surtout d'elle-même, nous la rend aussi attachante que détestable mais au fond... si humaine. Parallèlement, elle incarne le proviseur, la directrice de casting, l'assistante sociale et tous les autres personnages qui ont émaillé sa vie, une vie que la mère de Burt voulait désinvisibiliser, magnifier, comme le plateau bordé d'ampoules lumineuses qui rappelle le music'hall. Si l'écriture de Gilles Grenouillet est - comme toujours - percutante et fine, louons également le travail sur la bande-son, il est colossal. Frédéric Minière en est l'orfèvre. Pamela, aidée par Garlan Le Martelot, signe une mise en scène juste époustouflante, pleine d'énergie où l'émotion prend régulièrement le pas sur le rire. Après cet ascenseur émotionnel, rendez-vous est pris pour les Molières 2026. Chiche ?
Plus d'informations : theatredugirasole.fr/
Paru le 18/07/2025