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© Philippe Escalier
Spécial Avignon par Patrick Adler
Le Schpountz
À La Condition des Soies

Pour fêter le 50ème anniversaire de la mort de Marcel Pagnol, Arthur Cacchia et Delphine Depardieu se sont attelés à remonter une des pièces les moins jouées de l'auteur : "Le Schpountz". Comme le texte est une dentelle, les deux artisans lui ont offert un joli cadre et un éclairage nouveau qui, sans jamais parjurer l'auteur ni même écorner son propos, viennent insuffler un vent nouveau, tout aussi poétique et juste. Comme un film colorisé après des décennies, on redécouvre ce "fada" sous un œil nouveau, un œil embué de larmes de rires et d'émotion. Une totale réussite !
Loin des pitreries d'un Fernandel qui ont pourtant égayé notre enfance, c'est un Schpountz nouveau qui se présente à nous. Loin de la caricature du benêt, il n'a pas un physique ingrat, bien au contraire.
Il n'a pas non plus les tics appuyés du comique cabotin. Il est simple, naturel, sincère. Certes, on va retrouver chez lui une manière de gaucherie, avec ce regard au ciel qui tente de capter la lumière, ce sourire timide mais il se tient droit, droit dans ses bottes, droit dans ses convictions. Soucieux de se "désinvisibiliser", d'échapper à sa condition sociale, d'accéder à son quart d'heure de gloire Warholien, il entend bien se faire entendre. Pour ce faire, il a le parler juste, le ton assuré. Vous le voyez couillon ? Peu lui chaut. Lui ne lâche rien, donnant ainsi raison à la devise Nietzschéenne qui dit : "Deviens ce que tu es". Il n'est qu'à le voir entonner son poème, se jouer des allitérations et des assonances - comme un acteur professionnel - devant un parterre qui s'esclaffe. L'homme est bravache, impétueux, courageux. Vous le croyez égocentrique ? Que nenni ! Ce fada est la tendresse incarnée, il des valeurs, le sens de la famille. Il a beau porter la contradiction à son oncle qui, en épicier routinier ne voit que le quotidien et la rente, il sait ce qu'il lui doit, veut simplement être quelqu'un (d'autre) à ses yeux. Soutenu par son frère aimant, il entend être celui qu'on n'attend pas, celui qui va surprendre, mieux encore, subjuguer. Il va ainsi braver tous les obstacles et même accepter de renoncer à ses rêves en étant relégué aux accessoires, jusqu'à ce que la roue tourne en sa faveur. Vous connaissez la suite...
Après "Naïs", "Marie des poules", Arthur Cacchia confirme tous les espoirs portés sur lui. Il est assurément un grand comédien qui, en un tournemain, a dépoussiéré ce Schpountz, lui offrant avec tant de sincérité, toute son heureuse complexité. Sa générosité de jeu ne pouvait que s'accorder avec sa troupe car, ne l'oublions pas, l'homme est avant tout un homme de troupe. Il l'a prouvé par le passé en passant par le théâtre de rue, le jeune public, les classiques... Et cette troupe, puisqu'il est l'adaptateur et le co-metteur en scène de la pièce avec la divine Delphine Depardieu (Molière 2025), il l'a choisie. Et bien choisie puisqu'ils ont cette dextérité qui leur permet d'endosser plusieurs rôles, à commencer par le volcanique et tendre Axel Blind, le sur-vitaminé Jean-Benoit Souilh (un régal !), le tendre Simon Gabillet, le facétieux Patrick Chayriguès et la douce (et garce ? Elle sait tout jouer) Milena Marinelli.
C'est assurément un moment de théâtre à ne pas manquer. Pour l'émotion et la joie que cette troupe vous procure, pour la sincérité de leur jeu, pour la beauté du texte -tellement humain- pour l'accent de Marseille et, last but not least, pour le rythme de la pièce. Pas un temps mort, tout est fluide et juste, comme la langue de Pagnol. Comme le sourire et l'œil bienveillant d'Arthur Cacchia.
Pour résumer : Le Schpountz ! Quelle claque !
Plus d'informations : www.conditiondessoies.com/
Paru le 08/07/2025