Zoom par Patrick Adler
Avignon - Mon père, cet arabe
Artéphile
Longtemps, elle a porté les mots des autres. Avec le talent qu'on sait. Longtemps elle a mis sous le boisseau son narratif intime, sa fratrie, son père. Elle mit longtemps à faire le deuil de ce dernier. Aujourd'hui elle en parle. Avec fierté, tendresse, légèreté et même humour. Bouleversant !
Retrouver ses racines avec la complicité de son frère de cœur, le metteur en scène Kheireiddine Lardjam, sortir son père de l'oubli, c'est la tâche que s'est assignée Linda Chaib en écrivant cette histoire , cette balade-song d'un homme émigré qui a donné sa force de travail à la France. Avec lui, c'est un peu de l'histoire de l'Algérie qui entre dans nos veines. Ça pique, ça fait mal. On souffre de toutes les humiliations subies par le corps médical, de son salaire de misère, de l'amiante qui va le ronger jusqu'à la mort. Linda Chaib sait décrypter ses silences, sa fierté d'homme et de père et si elle s'amuse aujourd'hui de son autorité bafouée par ses filles, elle éprouve une infinie reconnaissance à celui qui a tout donné aux siens. Elle a construit son récit de manière surprenante : elle campe une secrétaire qui s'imagine tragédienne, se glisse derrière une robe gigantesque qui peu à peu devient burnous de cérémonie. En redevenant simple fille de « cet arabe », elle nous invite à un voyage intime bouleversant, où le déracinement, le racisme, l'injustice sont évoqués sans colère, sans revendication. Elle dit juste avec élégance la force des filles et célèbre cette manière de réparation. Cet arabe là c'était son père. Il représentait beaucoup d'autres pères, ouvriers comme lui, venus pour servir les entreprises françaises. Il méritait bien cette ode au courage. En devenant cette immense comédienne, Linda Chaib célèbre aussi sa résilience. La beauté de son texte, mêlée à l'esthétique de la mise en scène de Kheireddine Lardjam est servie de manière magistrale. Elle joue sans affèteries aucunes, elle est juste et sincere. le public ne ressort pas indemne. Forcément ! Il vient de vivre une parenthèse théâtrale aussi rare , aussi émouvante que puissante ! Pépite !
Paru le 03/07/2025






MON PÈRE, CET ARABE AVIGNON - ARTÉPHILE A partir du samedi 5 juillet
SEUL(E) EN SCÈNE. Linda Chaïb se tient debout. Droite. Elle parle du racisme, du mépris, des stéréotypes de la bien-pensance. Elle en parle sans jamais asséner. Elle a choisi pour cela l’arme de l’intime. Elle raconte d’où elle vient, d’où elle parle. L’actrice élégante parle de son
père immigré, ouvrier, humilié p...
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