Elle apparaît comme un feu follet sur la scène du Théâtre Lepic ; elle virevolte, spontanée, insaisissable. Elle a commencé sa vie ainsi, Marie, comme flamme à défaut de femme, une flamme bien bleue (le rose, c'était pour sa soeur) car le père avait besoin d'un garçon dans ses vignes du Beaujolais.
Fille ou garçon ? Homo ou hétéro ? Ces questions, l'enfant Marie n'y pense pas ; elle aborde l'existence toute en innocence, avec des yeux et un coeur qui regardent les autres et semblent leur crier : "Il faut vivre ? Alors qu'allons nous faire pour vivre heureux ensemble ?" Mais ce monde, lui, n'a d'yeux que pour les cases ; il regarde les autres pour les catégoriser, les ranger, les ordonner. Quel trottoir choisir entre celui de gauche, occupé par les hommes gays, et celui de droite, détenu par les femmes lesbiennes ? Même dans le Marais, territoire de minorités où elle espérait trouver autre chose, on se trie et on ne se mélange pas, on se refuse et on se dénigre parfois. Au fond, si tout le monde cherche ainsi à se caser, c'est bien qu'il faut le faire, non ? Marie va, elle aussi, devoir s'y mettre et, comme aucune case n'est jamais la bonne, elle s'efforcera d'en trouver une qui ne se transforme pas en cage.
Alors qu'elle nous retrace sa vie, portée par la mise en scène d'Anne Le Nen qui sait illuminer son sujet avec finesse, une question émerge de l'horizon lointain de nos pensées : où en serait Marie (et où en serions-nous) si le monde ne forçait pas si brutalement à se définir ? Marie Bô fait partie des chanceux qui ont l'intuition, certes inexprimée mais bien enracinée (ça transpire de tous ses pores), qu'un être humain est plus qu'un homme ou une femme, qu'un hétéro ou un homo...

« Je cherche l'amour, pas un combat. » Avec ces mots, Marie Bô prend son envol. Elle veut l'amour pour elle, pour nous, pour tous et, si le monde ne le reconnaît pas, il n'y a pourtant aucun doute : sous ses apparences que certains disent d'homme, Marie Bô a tout d'une femme. Elle en a la force et le coeur et une clairvoyance presque maternelle : d'un regard grave et mobilisateur, elle nous engage à être heureux et nous demande d'avoir à l'esprit un souci permanent, celui de trouver des moyens d'être heureux tous ensemble. L'enfant Marie n'a rien perdu de son innocence originelle mais aujourd'hui s'y ajoutent la puissance et la noblesse d'une femme qui, sans prévenir, nous place face à une responsabilité que notre conscience choisira, ou non, d'accepter.
Mettons de côté le sigle LGBTQIA2S+ ; ici, les lettres qui portent une espérance capitale forment le mot MERCI, qu'on adresse sans retenu à une artiste drôle et profonde.
Avec Marie Bô, c'est beau la vie, pour les grands et les petits, et tous les autres !