D'où vient cet intérêt passionné pour l'histoire des Atrides ?
Sans doute du choc quand j'ai vu l'Electre de Sophocle dans la mise en scène de Vitez à Chaillot en 86. Au-delà de la beauté du spectacle, j'ai immédiatement été séduit par la violence des questions que l'auteur exposait sur scène et par cet univers incroyablement poétique, où les dieux se jouent des mortels, et où se confondent l'intime, l'universel, le politique, le fantastique...

Vous aviez travaillé sur cette matière en 2015, en rassemblant les textes de plusieurs auteurs, mais cette fois-ci vous avez choisi d'écrire vous-même...
Effectivement en 2015, dans le cadre de « Paroles d'acteurs » avec l'Adami et le Festival d'Automne, j'avais réalisé un montage à partir de plusieurs auteurs comme Euripide ou Eschyle. Quand il a été question de faire un spectacle au Conservatoire, j'ai tout de suite pensé que l'histoire des Atrides était le terrain de jeu idéal pour les élèves et j'ai décidé d'écrire ma propre version pour pouvoir inventer une véritable partition pour chacun(e), trouver une unicité dans la langue et définir plus précisément ce que j'avais envie de raconter. En l'occurrence, dans "Portrait de famille" tout tourne autour de la guerre sous toutes ses formes. La guerre entre les peuples, entre les hommes et les dieux, entre les générations, entre les frères, les sœurs...

Pour ces trois heures trente de spectacle, comment avez-vous travaillé avec ces 14 jeunes comédien(ne)s ?
J'ai commencé par un stage d'une semaine dans lequel on a appris à se connaître en improvisant, pour trouver un vocabulaire commun, une façon organique et ludique d'aborder le plateau. J'ai imaginé une distribution que je ne leur ai donnée que quelques mois plus tard, quand le texte était terminé. Je me suis attaché à mettre en scène autant un collectif qu'un rassemblement d'individualités très différentes. Nous avons répété deux mois environ en travaillant vraiment à partir du texte : comment prendre la parole sur le plateau ; comment faire que les idées puissent s'incarner dans les corps au point de les transfigurer... Dans cette histoire, la violence des enjeux est telle qu'elle permet un jeu physique énorme, au-delà du rationnel. On ne parlait jamais de psychologie ou d'intentions, mais de pulsions physiques et de mouvements musicaux. On s'amusait beaucoup dans la manière de passer d'une forme à l'autre, du cabaret au vaudeville, de l'opéra au documentaire...

Pas besoin de connaître la mythologie grecque pour trouver son plaisir ?
Absolument pas. Le texte et le spectacle, tels qu'ils sont conçus, s'adressent à toutes les générations et aussi bien aux « spécialistes », qu'à ceux qui ne connaissent rien à l'histoire des Atrides....