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D.R.
Article de Patrick Adler
Simone en aparté
Studio Hébertot

Son seul prénom interpelle. Googlisé, il apparaît en premier avec Simone de Beauvoir, Simone Signoret... Autres icônes. Il était donc judicieux, pour le 50è anniversaire du discours de Simone Veil sur l'IVG à l'Assemblée Nationale, de lui offrir cet hommage... sur scène !
Sophie Carrité a choisi de l'incarner jusque dans le phrasé, la démarche. En un peu plus d'une heure, sur un beau texte d'Arnaud Aubert - qui signe également la mise en scène, sobre et efficace - elle déroule la vie de la cinquième femme panthéonisée. Fermez les yeux. Écoutez-la. Ouvrez-les à nouveau : elle revit devant vous !

Elle avance. Le port est hiératique, le chignon impeccable. Élégante dans sa longue fourrure, elle impressionne d'emblée. D'aucuns la jugeraient distante, altière, elle est juste... impériale ! Le pas est lent, mesuré, comme ses mots, toujours choisis, sa diction, impeccable, appuyée, presque théâtrale. Ce qu'elle réfute car, tout en reconnaissant une parentèle avec la politique, théâtre et politique ne font pas bon ménage pour elle. À chacun sa place !
Elle a du caractère, Simone, n'est pas du genre à s'en laisser conter. Elle veut tout maîtriser. Le Droit et le Devoir dirigent sa vie. Le Droit, parce qu'il est un moyen, un outil, elle en fera un métier : elle sera magistrate. Le Devoir, il sera chevillé au corps, par humanisme, par une naturelle compassion, en souvenir d'une mère aimante et exceptionnelle qui lui aura donné le goût et le sens de la transmission. Entre l'audit sur les prisons de ses débuts, la loi sur l'adoption et sur l'IVG et la Présidence du Parlement Européen, c'est l'humain qu'elle retient avant tout. Œuvrer pour l'autre, son bien-être. Chantre du "vivre ensemble", elle prônera même la réconciliation avec l'Allemagne - mais pas l'oubli, jamais - et la construction de l'Europe. Pour ceux qui suivront. Ses enfants, les enfants de ses enfants. Pour tous les Européens. La transmission toujours.
Elle se livre avec pudeur, prenant des pauses sur le transat fortement incliné qui, mué en toboggan et en écran, offre un peu de légèreté à celle qui se sent corsetée. Elle glisse, sourit, se relève, passe derrière, grimpe quelques marches et il devient pupitre. On a plaisir alors à retrouver les discours qui ont jalonné son parcours. Sa détermination comme ses colères émeuvent. Comment vivre avec ce qui s'est passé, la déportation, les camps, ce tatouage, ces chiffres de la mort sur le bras ? Elle y répond à sa façon, avec une violence qu'elle assume mais qu'on oublie aussitôt quand elle parle de son enfance, du bonheur d'être entourée de ses petits-enfants le week-end, dans son grand lit. C'est à ce moment-là qu'on se dit qu'au fond, Simone est un peu comme nous : femme, mère, copine. Humaine, profondément humaine. Sauf qu'elle est juste... exceptionnelle !
Alors, quand la rescapée des camps s'offre une "aération chorégraphique", devant l'écran-toboggan qui renvoie des images bucoliques après les croix de l'enfermement, quand elle joue à colin-maillard derrière les colonnes éclairées, quand elle lache ses cheveux, les natte, on se prend à penser que - miracle de la résilience - elle n'a pas oublié l'enfant qu'elle fut. Comme nous ne saurions oublier ses combats salutaires, son amour des autres, son courage que Sophie Caritté et Arnaud Aubert nous livrent dans ce portrait intime et surtout... utile pour les générations à venir.
Paru le 28/11/2024

(4 notes)
SIMONE EN APARTÉ
STUDIO HÉBERTOT
Jusqu'au mercredi 15 janvier 2025

THÉÂTRE CONTEMPORAIN à partir de 14 ans. Un kaléidoscope d’évocations qui met en lumière les multiples facettes de Simone Veil, à différents âges de sa vie. La parole intime de celle qui pourrait être notre alter ego : la femme, la mère, la fille, l’épouse, la sœur, l’amie, la camarade… Avec l’envie de partager ses convictions et ses eng...

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