Portrait par Jeanne Hoffstetter
Arnaud Denis
"Les liaisons dangereuses"à la Comédie des Champs-Elysées
En adaptant et en montant "Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, Arnaud Denis concrétise un ardant désir qu'il nourrissait depuis longtemps. Extraits d'un entretien passionnant.
Quand on découvre "Les Liaisons dangereuses" à seize ans.
« J'ai découvert "Les liaisons dangereuses" au Lycée. C'est le plus grand roman épistolaire jamais écrit au monde, d'une perfection littéraire absolue qui m'avait totalement envoûté. Mais découvrir la violence du monde à cet âge, je trouve que c'est très tôt. Comme "Dom Juan", c'est la dernière étape avant le Marquis de Sade. Ce qui m'a fasciné tout de suite, c'est la complexité des personnages, c'est de découvrir qu'il pouvait exister une forme de désillusion de l'amour dont on ne revient pas. »
Quand il est question de revanche.
« Christopher Hampton a écrit l'adaptation pour le théâtre qui a le plus de succès à ce jour. Il y a une quinzaine d'années, j'avais auditionné pour le rôle de Valmont mis en scène par John Malkovich au théâtre de l'Atelier. A la fin, on était plus que deux, il a hésité pendant quinze jours et finalement ne m'a pas pris. Alors, je me suis dit qu'un jour j'aurai ma revanche. C'est le producteur Pascal Héritier avec qui j'avais travaillé pour "L'importance d'être Constant" qui m'a dit (alors que nous avions eu l'idée de monter l'adaptation de Christopher Hampton) : Mais pourquoi tu ne fais pas ta propre adaptation ? Il m'a convaincu que j'étais capable de faire quelque chose de nouveau et il était prêt à mettre un gros budget dans les décors et les costumes. Voilà comment c'est parti ! »
Genèse d'une adaptation inédite où le mot transposition n'a pas sa place.
« Pour moi l'époque est indissociable du discours et il était hors de question de la transposer. J'ai commencé à travailler en faisant se répondre des lettres et, après quelques mois, une chose étonnante s'est produite, en écrivant dans le style, en ajoutant des scènes qui n'existaient pas, les personnages se parlaient. Donc, dans ma nouvelle adaptation inédite, il y a à peu près 60% de Laclos pur et des dialogues originaux dont certains sont empruntés à "La Philosophie dans le boudoir" du Marquis de Sade. J'ai retendu davantage les rapports entre Merteuil et Valmont qui sont des monstres qui ne peuvent vivre l'un sans l'autre, ni l'un avec l'autre. Je voulais rendre les choses plus charnelles, plus sexuelles, plus cruelles encore et plus audacieuses tout en retrouvant la puissance de cette langue tellement superbe. En écrivant, je voyais ma mise en scène se mettre en place. Je savais exactement ce que je voulais et dans quel cadre. On ne peut proférer de tels mots sans être dans une esthétique sublime. Par exemple, pour le viol de Cécile par Valmont, je fais des reproches à certaines adaptations, car il n'est pas violent mais en douceur, ce qui est beaucoup plus troublant. C'est une scène compliquée que j'ai travaillée avec une grande délicatesse. Et puis, je n'ai gardé que sept personnages en donnant plus de matière à Danceny et Cécile de Volanges. Pour finir, je voudrais insister aussi sur le fait qu'en son temps, Laclos était vraiment féministe et qu'il s'agit d'une œuvre féministe. C'est un crachat endiamanté qui passionne encore aujourd'hui toutes générations confondues » .
Paru le 19/09/2024
(41 notes) COMÉDIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES Jusqu'au dimanche 29 décembre
COMÉDIE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. La Marquise de Merteuil sollicite son ancien amant, le Vicomte de Valmont, pour lui proposer un défi immoral : elle souhaite se venger d’une ancienne infidélité en corrompant la jeune Cécile de Volanges, tout juste sortie du couvent, en lui ôtant sa virginité avant le mariage. Valmont, quant à lui...
|