Interview par Philippe Escalier
Michel Marc Bouchard
L'œuvre de Michel Marc Bouchard a toujours eu en France un retentissement particulier. La création de « La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé » au Tristan Bernard à la mi-septembre, avec une brillante distribution dirigée par Didier Brengarth, fera date. Elle aura lieu en présence de l'auteur qui, depuis le Québec, a répondu à nos questions.
Comment observez-vous les différentes et nombreuses mises en scène de vos pièces ? Considérez-vous qu'une fois écrite, une œuvre ne vous appartient plus ?
Mes mots libérés de leur égocentrique geôlier deviennent à chacune des étapes de leur mise au monde des pas qui vont vers l'autre. Car au théâtre, tout réside dans ce geste d'aller vers l'autre. Le dramaturge abandonne ses mots, car ils ont été créés pour subir l'interprétation de l'autre. Dans leur processus de mise au monde, ils deviendront aléatoires, ils seront trahis, sacrifiés. Ils seront livrés à la lecture du metteur en scène, à la merci du comédien qui les livrera à son tour à la merci du public. Un formidable saut en chute libre. Un assemblage d'accidents artistiques, comme le disait le regretté Patrice Chéreau, qui marquera pour l'auteur soit une élévation insoupçonnée, soit une résurrection perpétuelle, soit la chute redoutée. C'est une écriture vivante dans son inachevé. Je vois dans chacune des productions de mes pièces, une nouvelle aventure.
Vous avez dit être inspiré, au départ, par la musicalité du texte. Qu'entendez-vous par là et que pouvez-vous nous dire sur « La Beauté du monde » qui est une œuvre musicale à part entière ?
« La Beauté du monde » a été créé en 2022 à l'opéra de Montréal sur une musique de Julien Bilodeau. Dans ce même lieu, en janvier dernier, nous avons créé l'adaptation opératique de ma pièce "Christine, la reine -garçon".
Je crois fondamentalement dans la musicalité des mots, dans leur rythme, dans leur résonnance et leur évocation. La langue française est dans une constante mouvance polyphonique, modulée par la tradition et le choc de ses dialectes. Comme je suis beaucoup plus de la tradition orale que de la tradition littéraire, je suis donc sensible à la richesse et à l'efficacité de la parole et du silence.
Très logiquement, les adaptations de vos pièces au cinéma, on pense en particulier aux films du réalisateur Xavier Dolan, ont donné à votre travail une résonnance mondiale. « Les Feluettes » par exemple ont été créées au Japon. Vous avez écrit un scénario pour un film « L'Habit du héros » que va réaliser Léa Pool. Ce succès vous étonne-t-il et vous donne-t-il des ailes ?
Le cinéma est une formidable carte de visite et collaborer avec cet ami de longue date en augmente le plaisir. « Les Feluettes » ont été adaptées à l'écran par John Greyson (Lilies) en 1996 et viennent tout juste d'être remasterisées pour la prestigieuse collection Criterion. La pièce a été produite au Japon en 2002 et jouée jusqu'en 2008. « La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé » vient d'être créée à Tokyo, c'était le 1er septembre 2024.
Tout cela me rend heureux ! Tout artiste vous dira que c'est un métier difficile. Beaucoup d'appelés, peu d'élus. Je me considère comme étant extrêmement privilégié. Les projets que j'initie ont un accueil enthousiaste dès leur genèse. J'ai des collaborateurs exceptionnels. Alors, oui j'ai des ailes !
Mes mots libérés de leur égocentrique geôlier deviennent à chacune des étapes de leur mise au monde des pas qui vont vers l'autre. Car au théâtre, tout réside dans ce geste d'aller vers l'autre. Le dramaturge abandonne ses mots, car ils ont été créés pour subir l'interprétation de l'autre. Dans leur processus de mise au monde, ils deviendront aléatoires, ils seront trahis, sacrifiés. Ils seront livrés à la lecture du metteur en scène, à la merci du comédien qui les livrera à son tour à la merci du public. Un formidable saut en chute libre. Un assemblage d'accidents artistiques, comme le disait le regretté Patrice Chéreau, qui marquera pour l'auteur soit une élévation insoupçonnée, soit une résurrection perpétuelle, soit la chute redoutée. C'est une écriture vivante dans son inachevé. Je vois dans chacune des productions de mes pièces, une nouvelle aventure.
Vous avez dit être inspiré, au départ, par la musicalité du texte. Qu'entendez-vous par là et que pouvez-vous nous dire sur « La Beauté du monde » qui est une œuvre musicale à part entière ?
« La Beauté du monde » a été créé en 2022 à l'opéra de Montréal sur une musique de Julien Bilodeau. Dans ce même lieu, en janvier dernier, nous avons créé l'adaptation opératique de ma pièce "Christine, la reine -garçon".
Je crois fondamentalement dans la musicalité des mots, dans leur rythme, dans leur résonnance et leur évocation. La langue française est dans une constante mouvance polyphonique, modulée par la tradition et le choc de ses dialectes. Comme je suis beaucoup plus de la tradition orale que de la tradition littéraire, je suis donc sensible à la richesse et à l'efficacité de la parole et du silence.
Très logiquement, les adaptations de vos pièces au cinéma, on pense en particulier aux films du réalisateur Xavier Dolan, ont donné à votre travail une résonnance mondiale. « Les Feluettes » par exemple ont été créées au Japon. Vous avez écrit un scénario pour un film « L'Habit du héros » que va réaliser Léa Pool. Ce succès vous étonne-t-il et vous donne-t-il des ailes ?
Le cinéma est une formidable carte de visite et collaborer avec cet ami de longue date en augmente le plaisir. « Les Feluettes » ont été adaptées à l'écran par John Greyson (Lilies) en 1996 et viennent tout juste d'être remasterisées pour la prestigieuse collection Criterion. La pièce a été produite au Japon en 2002 et jouée jusqu'en 2008. « La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé » vient d'être créée à Tokyo, c'était le 1er septembre 2024.
Tout cela me rend heureux ! Tout artiste vous dira que c'est un métier difficile. Beaucoup d'appelés, peu d'élus. Je me considère comme étant extrêmement privilégié. Les projets que j'initie ont un accueil enthousiaste dès leur genèse. J'ai des collaborateurs exceptionnels. Alors, oui j'ai des ailes !
Paru le 13/09/2024
(14 notes) THÉÂTRE TRISTAN BERNARD Jusqu'au mardi 31 décembre
COMÉDIE DRAMATIQUE à partir de 10 ans. Enfant, Mireille se glissait dans les maisons voisines et voyait ce que la nuit cache : adultères, maladies, secrets… Mireille, son frère Julien et leur meilleur ami Laurier forment un trio inséparable. Mais une nuit, leurs destins se séparent... Pour fuir cette terrible nuit, Mireille, devenue th...
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