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D.R.
Interview par Philippe Escalier
Jacques Martial

Amoureux de la diversité, Jacques Martial fait une longue carrière au cinéma, joue dans une vingtaine de pièces, crée la Compagnie de la Comédie Noire avec laquelle il monte, notamment, "L'Échange" de Paul Claudel, tout en faisant partie des pionniers de la série "Navarro". Par ailleurs, séduit par le travail de l'écrivain franco-béninois, José Pliya, il lui passe commande d'une pièce. Ce sera "Cannibales" qu'il met en scène du 19 novembre au 18 décembre, dans la petite salle du théâtre de Chaillot.
Pourquoi cette commande ?
Son origine réside dans l'envie de travailler avec trois comédiennes, Christine Sirtaine, Martine Maximin et Marie-Noëlle Eusèbe. Je ne souhaitais pas monter une pièce déjà existante (comme Les Bonnes) et je préférais aborder un texte d'aujourd'hui. À quoi il faut ajouter l'amour que je porte à l'écriture de José Pliya. C'est un jeune auteur, même s'il a une vieille âme ! Son théâtre est en pleine ouverture, il accède à une authenticité et une force remarquables, sans jamais s'enfermer dans les écueils de l'esthétisme ou de l'exotisme. Lorsque je lui ai commandé une œuvre, l'idée d'écrire pour ces trois femmes l'a enthousiasmé. Sans hésiter, il a donné son accord et au lieu de livrer la pièce au bout d'un an, comme prévu, trois mois après, elle était entre nos mains. Je crois qu'il a été très inspiré par son sujet (qu'il a choisi) et l'on sent, dans son écriture, une urgence, un mouvement implacable.

Ce n'est pas la première fois que vous cédez aux sirènes de la mise en scène ?
J'en ai fait par intermittence, ayant beaucoup travaillé par ailleurs. J'ai pu monter L'Île des esclaves de Marivaux, Une femme est un diable de Mérimée, Cahiers d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire. Les œuvres un peu différentes m'attirent. Au départ, je voulais des spectacles avec beaucoup de personnages, mais économiquement, c'est quasiment impossible. Je suis donc revenu à des formes plus
"raisonnables". En tout cas, ce travail-là demande de gros investissements, y compris en temps.

Du temps, vous en avez consacré à "Navarro" avec 99 épisodes à votre actif !
C'est une belle aventure. Au départ, en janvier 1989, on a commencé pour deux films. Si, à cette époque, on m'avait dit qu'en 2005 on tournerait encore, j'aurais crié au fou ! Parallèlement, j'ai continué à faire du théâtre et du cinéma, avec Samuel Fuller, Claude Berri ou Paul Vecchiali pour n'en citer que quelques-uns. J'ai toujours fait mon métier. J'apprécie beaucoup cette série, populaire, dans le meilleur sens du terme, quelque chose qui plaît et où beaucoup de gens se retrouvent. Il y a des espaces pour chaque mode, je vais de l'un à l'autre sans problème. Je suis un voyageur !

Comment résumeriez-vous "Cannibales" ?
Il s'agit d'une pièce sur la maternité et le désir d'enfant. En la découvrant, j'ai été étonné, je ne m'attendais pas à voir José Pliya se frotter à ce thème. On sent, chez lui, une jubilation, un plaisir charnel à le décliner de manière déroutante. On est un peu perturbé, l'auteur sollicite les trois actrices comme les spectateurs. Chacun est partie prenante. Cette histoire pourtant si intimement féministe, il l'a rendue avec une grande force au point que certaines ont eu du mal à croire qu'un homme ait pu l'écrire.

D'où vient ce titre ?
C'est un amour dévorant... ! Ça, c'est mon interprétation. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un désir qui ronge.
Paru le 15/11/2004