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© Christophe Raynaud DeLage
Interview par Jeanne Hoffstetter
Cristiana Reali
"Un tramway nommé désir" aux Bouffes Parisiens

Jouer Blanche, Cristiana Reali le voulait depuis longtemps et la voilà, s'emparant avec brio de ce rôle complexe au milieu d'une magnifique distribution. Une pièce sur laquelle se pose notre regard d'aujourd'hui.

Vous rêviez de ce rôle depuis longtemps, pour quelle raison avoir joué en vingt ans trois pièces de Tennessee Williams avant d'aborder Blanche ?
Ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Mais on me disait : Ce n'est pas le moment, tu es trop jeune. Je ne comprenais pas pourquoi Blanche était toujours jouée par des femmes mûres alors qu'elle est sensée avoir trente ans ! Aujourd'hui, j'ai l'âge qu'il fallait, soit disant, et on ne pouvait pas me le refuser. Je suis allée voir le producteur Richard Caillat avec ma metteuse en scène, il a dit oui et on est partis pour cette grande aventure !

Après Simone Veil, Pauline Susini vous met de nouveau en scène et son regard novateur sur une pièce écrite dans les années quarante dans une Amérique puritaine, est particulièrement intéressant.
Oui, c'était important pour moi de travailler avec elle. J'ai l'âge de toutes ces actrices qui ont joué Blanche. MAIS Pauline a 36 ans, à peu près l'âge de Blanche, et son regard m'intéressait. La modernité de la pièce vient de son travail et de son regard. Elle aime le théâtre engagé, elle est autrice et elle est parvenue à dépoussiérer ce grand classique qui nous touche aujourd'hui par cette façon qu'a Tennessee Williams de voir les gens, de scruter les âmes. Car si les choses, la parole, changent en ce moment, les sentiments eux ne changent pas.

Dans le rôle de Stanley, Nicolas Avinée qui n'a pourtant rien d'un Brando, est formidable. Encore un parti pris intéressant !
Qui montre qu'aujourd'hui on ne voit plus la sexualité, la sensualité uniquement à travers la testostérone ! (rire)

Le lien qui unit Blanche à sa sœur Stella, incarnée subtilement par Alison Paradis, est ici particulièrement fort et touchant.
Et on ne l'a pas fait exprès. Mais le traitement de la sororité, qui se ressent très fortement dans le spectacle, a vraiment été voulu par Pauline.

A longueur de pièces, l'auteur n'a de cesse de parler de lui-même, de trainer ses vieux démons que sont l'homosexualité, la folie de sa sœur Rose, qu'il redoutait aussi pour lui-même, la culpabilité, et ces désirs qui comblent le vide...
C'est vrai, c'est très autobiographique, et la résonnance est très forte aussi sur la situation de la femme dans notre société, l'emprise, la violence conjugale, la peur de vieillir, la solitude...

Que vous inspire la manière qu'a Blanche de fuir le présent en se réfugiant dans ce rêve qui va la conduire à la folie ? La comprenez-vous ?
Elle est déjà dans la mythomanie, elle s'invente la vie dont elle rêve et qu'elle n'a pu avoir, c'est un refuge, une façon de survivre et je la comprends complètement. Quand on n'a plus rien, il faut s'accrocher à ses rêves. Quand on est malheureux, on peut aussi s'en sortir comme ça.

Qu'ajouter maintenant que vous vivez pleinement votre rêve ?
Que je suis triste parce qu'après avoir joué quatre pièces de Tennessee Williams je ne sais pas si je le rejouerai. C'est comme un voyage que l'on rêvait de faire... On peut toujours le refaire mais ce n'est plus pareil.
Paru le 15/05/2024

(89 notes)
UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR
THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISIENS
Du mercredi 31 janvier au samedi 25 mai 2024

COMÉDIE DRAMATIQUE à partir de 12 ans. Héritière ruinée, Blanche s'installe chez sa sœur Stella dans un quartier pauvre de La Nouvelle-Orléans. Délicate, méprisante, mythomane, Blanche semble habitée par des rêves étranges. Stella est mariée à Stanley Kowalski, un ouvrier, viril et brutal qui n’apprécie pas l’arrivée de cette étrangère...

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