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Henri Guybet
D.R.
Dossier par Jeanne Hoffstetter
La Poison

Henri Lazarini met en scène "La Poison" au Théâtre 14.
S'il adore chez Guitry l'auteur de comédies légères et brillantes, l'homme de l'après-guerre, calomnié, blessé, désabusé, et cependant toujours infiniment drôle le touche profondément.
Henri Lazarini

À l'Opéra, au théâtre, on ne compte plus le nombre de ses mises en scène, mais ce qu'il aime par-dessus tout, c'est pouvoir faire œuvre de création en mêlant théâtre et cinéma. Charme tranquille, silhouette élégante, au coin des yeux les frisettes du sourire, son accueil est affable. En homme "très, très heureux", il parle de ses passions, l'Inde notamment, et prend le temps de vous suivre sur les chemins de traverse... La vie qu'il savoure plus que jamais, "de toute façon, on n'est jamais heureux à 20 ans !" ; ses croyances "je suis un homme de foi, profondément
chrétien" ; son rapport aux êtres et aux choses. C'est étrange ce regard qui écoute... Rare. En d'autres temps, il fut journaliste à Marseille sa ville natale : cinéma, potins mondains, Saint-Tropez, il côtoie Sagan, Vadim, Bardot... Des meurtres aux bonnes tables, il couvre l'événement. "Mais j'étais en même temps assistant de Louis Ducreux à l'Opéra, ensuite le choix s'est fait presque de lui-même, j'ai préféré le théâtre, et voilà !"

"La crise du théâtre ? Allons ! Depuis que je vis, j'en entends parler..."

Fou de cinéma, il aime et connaît bien l'œuvre de Guitry, mais ce qui lui semble particulièrement intéressant, c'est d'adapter à la scène, dans le respect total du texte, les dialogues très écrits de ses films. Ainsi l'avait-il fait du Roman d'un tricheur joué par Jean-Laurent Cochet, et le fera-t-il en 95 à Montreux avec Remontons les Champs-Élysées. "Des films follement savoureux dans lesquels un pessimisme souriant le dispute à une désinvolture malicieuse." Maître, mythe pour des générations d'acteurs, de Guitry Truffaut disait : "Mort, il n'a plus d'ennemis, puisqu'on lui reprochait avant tout d'être vivant." Monter La Poison n'est pas une mince affaire, mais Henri Lazarini jubile : "C'est un texte brillant et très inusité chez Guitry, car c'est une pièce épouvantable. Au fond, ce type est un monstre, mais la force de Guitry est d'en avoir fait quelqu'un de sympathique. Là se situe un grand talent dramatique ! La scène du meurtre, c'est du Shakespeare, et en même temps, elle est très drôle." Il aime tant le théâtre qu'il en crée un à Palaiseau appelé La Mare au diable, et aujourd'hui dirigé de main de maître par sa fille. Quel est le sentiment de ce passionné qui, dans un rire, vous avoue "tout passer aux gens beaux ou talentueux", sur la situation actuelle du théâtre ? "Ah ! La crise. Depuis que je vis, j'en entends parler. Mais les théâtres sont toujours là. Paris est la ville au monde où il y en a le plus, trop sans doute, puisqu'il n'y a pas plus de spectateurs aujourd'hui qu'il n'y en avait au XIXe siècle. De nos jours, monter une pièce est un sacré luxe, les choses ont changé, feuilletez les programmes d'il y a quelques décennies, 20, 30 personnes sur scène, des décors magnifiques, on ne peut plus faire ça. Mais regardez, nous avons quand même une rentrée particulièrement riche et brillante ! Alors... Je suis optimiste."

Marie-Christine Demarest

Elle jubile ! Habituée à incarner les reines ou les bourgeoises, la voici, bas filés et bouteilles de rouge à la main, à jouer les calamités.

À la regarder, il me revient une réflexion de Sarah Bernhardt lancée du haut de ses 75 ans : "Je suis incorrigiblement jeune !" Marie-Christine Demarest ne compte pas tant d'années, mais nul doute que l'âge venant elle pourra reprendre la phrase à son compte. "Vous savez ce qu'on dit ? Que le théâtre conserve bien, et ça fait quarante ans que j'en fais !" Elle vit au calme en plein Paris entourée de jolies choses, dans un décor cramoisi peu banal, et aux murs des tableaux. "J'aime bien la décoration", dit-elle. L'endroit est beau et chaleureux. Chanel, le chat, fait ses civilités. L'entretien est amical, ponctué d'éclats de rire. Cheveux de jais, des yeux bleus superbes, elle parle volontiers debout, sa manière de bouger évoque...
"Je voulais être danseuse classique ! Je l'ai été, très jeune, mais un accident a mis fin à mon rêve, j'en pleurais. Puis j'ai eu la chance d'être engagée pour danser dans les menuets du Bourgeois gentilhomme. Je devais avoir 15 ans." Le virus l'atteint : elle fera du théâtre, prend des cours pour apprendre à poser sa voix. "J'ai fait plein de petits boulots pour les payer ! Ensuite, j'ai eu la chance de jouer aux côtés de Madeleine Sologne dans Marie Tudor. C'était devenu une amie."

Arrive Boeing, Boeing, engagée pour quinze jours, elle jouera cinq ans avant que les choses ne s'enchaînent. "J'ai été propulsée dans le théâtre de Boulevard à jouer les snobs, les excentriques." Un grand regret pourtant : n'avoir pas fait le Conservatoire, n'avoir pas eu cette base classique car, "il y a forcément des lacunes. Je crois que c'est Jouvet qui disait : "On naît comédien et l'on devient acteur." C'est vrai ça, être acteur c'est beaucoup de travail. Sur les planches, on ne peut tricher !" Anne d'Autriche, Marie de Médicis : la télévision lui offre des rôles de reine, mais le théâtre reste son bonheur, sa vie. De Guitry, elle a joué N'écoutez pas mesdames et Le Nouveau Testament, cette Poison la transporte : "Jouer les méchantes, je n'ai pas l'habitude, c'est jubilatoire !" La tournée saluée par des critiques élogieuses, n'empêche nullement cette peur qu'elle aime par-dessus tout et qui la conduit "au jardin de Montmartre" sur la tombe de l'auteur "pour le remercier au centuple d'un tel rôle". "Pourquoi m'a-t-on choisie ? Mes rondeurs peut-être..." Elle plaisante... la joie de vivre en personne ! "Aux répétitions, je ne savais pas comment marcher, il fallait absolument que je trouve quelque chose, alors je suis allée chez Tati acheter des blouses trop serrées, des espèces de savates, des demi-bas que j'ai filés moi-même, des chaussettes par-dessus et ça a été le déclic !" Pirouette. Elle aimerait tout interpréter, mais être un jour mise en scène par Jean-Laurent Cochet, et jouer une fois avec Michel Galabru "ce remarquable acteur". Ça alors !
Paru le 29/11/2004
POISON (LA)
THÉÂTRE 14
Du mardi 9 novembre au vendredi 31 décembre 2004

COMÉDIE. L’idée de "La Poison" m’est venue, confiait Sacha Guitry, lors d’une rencontre avec un maître du barreau qui fêtait ce jour-là son cent quatorzième acquittement. Dans "La Poison", on trouve les thèmes habituels de Sacha Guitry: exécuter avec cynisme et sang-froid un acte qui s’accomplit généraleme...

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