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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Le quai
à la Manufacture des Abbesses

S'attaquer à un thème aussi dur que la Guerre d'Algérie quand on s'appelle « Les Déserteurs » tenait de la gageure. Ou de l'ironie. Pari tenu car l'écriture, la mise en scène et l'interprétation sont très soignées. Mention spéciale pour Paul Duvaux, interprète et co-auteur de ce « Quai » sur lequel il est bon de s'attarder.
L'atmosphère est lugubre. On est en guerre. Et c'est le vécu et le ressenti de six personnages qu'on nous invite à suivre dans un récit aussi haletant qu'émouvant. Les lumières, très étudiées - notamment dans les clairs-obscurs - nous offrent un éclairage variable et puissant qui ajoute à la torpeur. La scène est décorée a minima : quelques caisses en bois modulables, un portique et un fin rideau qui font office de guichet, un lampadaire...On est en guerre.

Donc, dans le sombre et l'économie de moyens qui accompagnent ces destins croisés où l'on va de désillusion en déraison, où se pose le problème du sens de l'engagement, de la fragilité des sentiments et de l'existence même car tout peut basculer d'une minute à l'autre. Fallait-il partir pour l'un, laisser partir pour l'autre, fallait-il croire que la guerre ne serait qu'une promenade de santé, fallait-il valider le choix d'une psy face à un maniaco-dépressif, fallait-il tirer sur un enfant ? On est en guerre. Et ce sont parfois les éléments et pas seulement les hommes qui gouvernent. A-t-on le choix en temps de guerre entre valise et cercueil ? Chacun donnera sa vérité, son jugement, ses émotions. On est en guerre. Et tout est démultiplié, la colère comme la fougue, la peur comme l'ironie de l'ivresse. Seule note d'humour dans cette atmosphère glauque à souhait : le guichetier, lunaire et drolatique qui semble marcher hors des rails.

Ce « Quai » lugubre est brillant. La trame est finement tissée et dirigée de main de maître (bravo Célia Court pour la mise en scène). Le casting est à la mesure de l'enjeu. Ces« Déserteurs » ne sauraient donc abandonner en si bon chemin, surtout quand le public afflue déjà. Alors, sans vouloir paraphraser Chéreau, que ceux qui les aiment viennent prendre le train ... de l'émotion. Il est à Quai jusqu'au 14 Janvier et vous attend !
Paru le 19/12/2023

(6 notes)
QUAI (LE)
MANUFACTURE DES ABBESSES
Du jeudi 30 novembre 2023 au dimanche 14 janvier 2024

COMÉDIE DRAMATIQUE. Juillet 1962. La guerre d'Algérie est terminée. Le sergent Romain Mira rentre en France, tout comme Rachel Dukan, et une certaine Souâd Belkacem. L'attente se fait pesante et les galères s'enchainent. Les trains passent, et les passagers demeurent bloqués à quai. Ils vont alors se rencontrer, se r...

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