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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Flagrant Dali
Entre Salves d’or et Dali-rium tremens. Des chroniques imaginaires et croustillantes …dignes de Gala.

Il arrive, impeccablement vêtu, joliment coiffé, la démarche fière et la moustache triomphante. Dali est dans la place. Les interlocuteurs qui vont se succéder n'ont plus qu'à bien se tenir car le Maître n'a pas son pareil pour la répartie cinglante. A vos armes ? Prêts ? Partez !
Aussi culotté que l'âne de Henri Bosco, Denis Souppe - avec deux "p", s'il vous plait, c'est plus seyant même si ça incommode - thuriféraire de J. Laurent Cochet, son second Maître après Dali, eut un jour cette idée folle d'imaginer le peintre revenu en Absurdie pour des interviews aussi abracadabrantesques que lui. Reprenant ses tics de langage, sa diction et ses formules assassines, il nous livre avec Arnaud Cominassi, à la manière de Don Juan et Sganarelle, un numéro de duettistes dont il sort forcément vainqueur, l'interviewer-valet n'étant qu'un pis-aller, une marionnette à sa gloire éternelle.

Ainsi passe-t-on de feue Denise Glaser à feu Poulidor, feu Chancel - cela fait quand même beaucoup de morts pour un revenant - avant d'arriver à la modernité-kitsch d'un animateur de NRJ 12 qui, inflation oblige, passe à 13 et redécouvrir l'incontournable Ardisson qui, avant de les rejoindre dans l'au-delà, les "met en boîte" dans son émission interstellaire et surtout fantomatique : "Hôtels du Temps".

L'idée était ingénieuse mais un brin risquée. C'était sans compter sur le talent d'écriture de l'auteur-metteur en scène. C'est vachard à souhait, d'une mauvaise foi insane, il y a du Chazot, du Brialy, du Gérarld Nanty là-dedans, c'est facétieux, délicieusement cruel et parfois même malaisant mais si bien senti. Et drôle, tellement drôle ! La diction est parfaite, d'autant que Denis Souppe prend des temps de sociétaire dans l'articulation. Vous fermez les yeux et vous entendez Dali. C'est jubilatoire ! D'aucuns trouveront aussi une parentèle avec Pierre Dac, y verront du théâtre poétique et absurde, un fond de Ionesco même. Il y a de tout cela dans "Flagrant Dali". Et on rit plus d'une heure durant des corrections verbales infligées à ses interviewers d'un soir que seul son talentueux complice Arnaud Cominassi accepte de recevoir sans broncher. À croire qu'il est atteint du syndrome de Stockholm.

Entre l'extase nutritive - on apprend beaucoup par le texte - et la projection continue des tableaux du Maître et de sa muse Amanda Lear (le nom est une contraction de "Amant de Dali" imaginée par le peintre), nous avons là toute la grammaire du peintre, clown mégalomaniaque et génial. Entre la peinture de Gala et les côtelettes, l'apologie de la sodomie, les pets et les parapets, la coloscopie de Jacques Chancel et le "Penseur de Rodin" qu'il figure déféquant, c'est, vous l'aurez compris, l'éloge du ridicule, d'un snobisme délirant assumé qui, loin de faire fuir, nourrit le buzz. Oui, Dali, figure ô combien hiératique, est cool. Dali Cool ? À l'heure du Disco, il se définissait déjà comme une "espèce de nourrice". Alors...
Au Paradis, Denis Souppe lui fait dire qu'il y a beaucoup de monde et qu'on fait la queue pour tout. M'est avis, en avisant la foule à la sortie qu'on n'ira pas tous au Paradis. Il est donc prudent de réserver pour ces huit samedis exceptionnels à la Contrescarpe.
Paru le 23/10/2023

(4 notes)
FLAGRANT DALÍ OU « L’EXTASE NUTRITIVE » .
THÉÂTRE DE LA CONTRESCARPE
Du samedi 16 septembre au dimanche 17 décembre 2023

THÉÂTRE CONTEMPORAIN à partir de 13 ans. Dans ce spectacle surprenant, Salvador Dalí est confronté aux journalistes qui sont une grande source d’inspiration pour lui : le Maître autoproclamé de la peinture surréaliste. Sûr de son génie, Salvador Dalí se plaît à ébranler leurs certitudes et à se payer leur tête. Toujours imprévisible, cho...

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