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D.R.
Zoom par Patrick Adler
La maison du Loup
A deux, c’est bien. Et si, à trois, c’était mieux ?

Jack London ( Amaury de Crayencour) Ed Morrell (Benoit Soles) et Charmian Kittredge (Anne Plantey) forment un couple à trois , un « trouple » explosif !

Avec « La maison du loup », nouvelle pépite du tandem à succès Benoît Soles/Tristan Petitgirard, on entre de plain-pied dans l'esprit des pionniers Américains. C'est viril, rugueux , abrasif mais pas que ...
Il est beaucoup question « d'étincelle » dans cette pièce : elle manque à Jack London, shooté à la morphine, irrigué au whisky, blasé de tout, cynique à souhait , il est à l'image du rafiot qu'il a conservé : une épave. Comment l'auteur le plus lu d'Amerique en est-il arrivé là ? Insensible à tout, sauf peut-être à la cause animale et un peu à sa femme (qu'il appelle régulièrement sa partenaire - on reste dans les codes masculinistes -) il ne s'appartient plus et est devenu l'ombre de lui-même. Elle manque aussi à Ed, prisonnier libéré, âme sensible et révoltée, qui se bat pour que son ami Jacob Heimer échappe à la peine de mort, elle manque enfin à Charmian, « Mme London » qui se bat pour obtenir les droits de l'article d' Ed « l'homme du donjon », se désespère de retrouver le Jack d'avant, de lui donner un nouveau souffle pour écrire par le truchement de l'histoire d'Ed. Si tant est qu'il accepte de la dévoiler.

Car on bataille âprement chez ces trois cabossés de la vie. Si j'ai parlé plus haut de la virilité inhérente à l'ère des Pionniers d'Amerique, c'est qu'elle est diablement présente dans le «trouple ». Elle l'est de manière plus évidente chez Jack qui en impose déjà physiquement. Sa voix grave et rauque , son aspect chiffonné, mal fagoté, ajoutent à la panoplie du cow-boy à la Mitchum, surtout quand , face à Ed, il joue d'une ironie un brin homophobe en évoquant Oscar Wild et devient menaçant en jouant au mari possessif et jaloux. Bien que fluet de corps et de voix, bien que handicapé - il claudique et se sert d'une canne pour marcher - Ed a pour lui la virilité des mots, la puissance dévastatrice de la conviction face à l'écrivain taiseux. Quant à Charmian, nonobstant son côté suffragette féministe, elle a la gouaille masculine et des postures toute garçonnes , elle sait tenir tête et ne manque pas d'autorité. Elle assume son avant-gardisme -elle est pour l'amour libre - mais marque son territoire. Partenaire, oui, - elle est à la fois la muse et l'assistante dans le narratif descriptif des œuvres de son mari - mais pas que. Elle est aussi et surtout sa femme . Sa flamme ?

Chacun essaie d'éclairer son chemin et la force du texte , même s'il est forcément inspiré de Jack London, est son incroyable modernité dans les thèmes abordés : la peine de mort, la condition de la femme, l'état des prisons, l'addiction à l'alcool, les droits des animaux ...

Dans l'histoire de ce « trouple », c'est l'esprit qui prend peu à peu le pas sur le corps . Charmian est bouleversante dans l'expression de son amour douloureux comme Ed est magnifique dans son combat pour la justice et Jack admirable quand il se décide à fendre l'armure. A chacun son but : réparation, libération, inspiration .

La partition est belle, le chef d'orchestre précis mais que dire de ces trois virtuoses qui jouent « La maison du loup » ?
La maison du loup... Une vaste demeure pour d'immenses talents. Le tandem Amaury De Crayencourt-Benoit Soles, aguerri par quatre années de succès de la «Machine de Turing » fonctionne à merveille et Anne Plantey, lumineuse et juste, apporte son mix d'animus-anima et transcende le tout par son incroyable énergie. Comme son personnage, elle est le pivot, la flamme, la courroie de transmission, le nécessaire et peut être même l'essentiel dans la maison.
Quid de Jacob ? Sera-t-il sauvé ? Jack le rugueux reprendra-t-il la plume ?

Cette histoire merveilleuse, servie par la mise en scène ingénieuse de Tristan Petitgirard, la scénographie brillante de Julie Azzopardi, aidée par les animations de Mathias Delfeau et les illustrations de Riff Rebs ne peut que vous donner envie de courir au Rive Gauche . Mais pas que...
Et si vous relisiez Jack London ?

En attendant, courez voir cette pépite !
Paru le 22/09/2023

(103 notes)
MAISON DU LOUP (LA)
THÉÂTRE RIVE-GAUCHE
Jusqu'au dimanche 19 mai

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Après La Machine de Turing (4 Molières 2019), la nouvelle création de Benoit Solès. Entrez dans La Maison du loup, le repaire d’un écrivain américain mythique : Jack London. Vous y rencontrerez sa partenaire, Charmian, et le mystérieux Ed, porteur d’un lourd secret. Dans un superbe décor, vous ver...

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