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© Luc Bertau
Spécial Avignon par Patrick Adler
Variations Enigmatiques
Quand les paroles s’en vont, les écrits restent…mais à quel prix ?

Le jeu de la Vérité peut commencer !
Prix Nobel de Littérature, Abel Znorko vit retiré sur une île au Nord de la Norvège. Entre coke, alcool et autres psychotropes il survit dans le spleen rageur du misanthrope acariâtre et un brin détestable qu'il est devenu, en proie à ses souvenirs. Le casque vissé sur la tête, il écoute du rock (« Eyes of the tiger », la B.O. de Rambo) en attendant l'arrivée d'un journaliste à qui il a consenti à accorder une interview. Comme il est « rock », il le reçoit en rock-star, lunettes noires, peignoir de soie, le fusil à la main, ce qui ne manque pas de surprendre l'invité. Et là commence un jeu du chat et de la souris. Erik Larsen, le journaliste, décide de mettre rapidement un terme à l'entretien, l'écrivain le retient. On assiste ainsi à deux, trois faux départs - toujours sur fond de coups de fusil -qui, comme dans un thriller, sont autant d'éléments d'interrogation. Quelles sont les raisons profondes de la visite de l'un et de l'invitation à rester de l'autre ? Comme pour ponctuer les retours et relancer le débat, l'écrivain balance sa formule-choc : « Allez, on rallume le sapin. Un godet glacé pour vous déglutir la glotte ? » Et l'entretien reprend. Et on boit...

En fin limier, Larsen sait déjà où il veut en venir. Bien sûr, il est forcément question de littérature avec un Prix Nobel mais aussi et surtout, en l'occurrence, du personnage principal du dernier Opus, une certaine Hélène Metternach qui n'est pas sans rappeler... l'épouse du journaliste.

Le suspense s'installe dès lors qu'on sait que l'interview n'était qu'un prétexte (plus tard on apprendra même que la gazette en question où il officie n'existe pas). Va se jouer alors un corps-à-corps verbal puissant entre l'écrivain de renom et le journaliste-lambda qui chicane à l'envi, voire ratiocine, ce qui ne manque pas de surprendre et d'agacer Znorko, qui se voit contraint de baisser la garde. Les révélations s'accumulent, le spectateur retient son souffle. Jusqu'où iront-ils ? On ne saurait spoiler la fin, surtout si vous n'avez pas lu le livre. Dans la mise en scène sobre et efficace de Paul-Emile Fourny, Hugo Becker -sublime Znorko ! - s'offre un grand bol d'air en quittant le plateau et en jouant au milieu de nous, comme pour nous prendre à partie. Larsen, lui, (convaincant Pierre Rochefort) reste concentré et flegmatique. La pièce interroge. Forcément. Sur la vision de l'amour. Y a-t-il compatibilité entre passion éphémère et fidélité ? Quid du couple, de sa fragilité ? Elle interroge sur la maladie aussi. Pourquoi Znorko donne-t-il autant à la Recherche Médicale ?

« Les Variations énigmatiques » du compositeur Sir Edward Elgar sont aussi le lien et le liant entre les deux hommes et la femme aimée : Hélène Metternach/Larsen. L'amour partagé valait bien une petite musique...pour adoucir la peine !

Jusqu'au 29 Juillet à 12h50
Au Chêne Noir
8 bis, rue Ste Catherine
84000. Avignon
Paru le 27/07/2023