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© Marie de Jongh
Spécial Avignon par Patrick Adler
Amour
« Je suis une poupée sans cire, une poupée sans son… »

Gainsbourg - dont le nom, lui aussi, rime avec « Amour » - eût pu se réinventer en voyant cette pépite poétique qui nous est offerte. La compagnie Marie de Jongh, qui - soit dit au passage - rafle tous les prix en France comme à l'International- nous présente son dernier Opus : Amour.
Figures caoutchoutées dans un décor très Factory où la géométrie des lignes est bousculée par la géométrie des sentiments, c'est un enchantement sans pareil. On entre de plain-pied dans l'univers du conte. Les personnages prennent vie sur une bande-son et des éclairages très étudiés. Certes, ils ne parlent pas, mais ils font mieux encore, ils évoquent par le geste. Et c'est là toute la force de cette compagnie qui, dans ce parler universel qu'est le mime, donne à ses comédiens tout loisir pour suggérer les émotions. La précision, l'exactitude du jeu, les déplacements, tout est calibré. On pourrait même parler de chorégraphie tant l'ensemble est harmonieux.

Trait de génie de ce spectacle féérique : l'utilisation de la craie qui redéfinit l'espace. La craie est le viatique, le sésame. A défaut du langage, on a l'écrit, pas le mot, juste le trait. Chaque personnage sort son bâton de craie d'une petite trousse. Un rectangle, un rond au milieu, on a une sonnerie. Quelques boutons sur un autre rectangle, apparaissent alors une radio, un téléviseur. Tout est jeu, comme les décors qui, par la mobilité de leur construction, figurent de nouveaux lieux de vie et vont éloigner ou rapprocher.

Le titre est explicite : « Amour », avec un grand A, on eût pu même suggérer Amours - au pluriel donc car même les amours saphiques sont évoquées. Avec la pudeur et la délicatesse qui font l'ADN de la compagnie Marie de Jongh (Ce moment où les hommes comprennent la liaison des femmes et décident de rapprocher les lieux de vie est très émouvant). L'amour est partage, il n'a pas à être jugé, c'est ce qui ressort de ce spectacle magique qui construit avec pédagogie sa réflexion et se garde bien d'y introduire toute morale. Universel, représenté sous toutes ses formes et sous tous les âges, il interroge. Entre enfance et vieillesse, il continue de bégayer, de nous offrir ses incertitudes comme ses errements. Des caresses de l'enfance, de la découverte de la peau de l'autre aux petits bobos de la vieillesse en proie à l'arthrose, au mal de dos, à la lenteur, comment s'aimer ? Et l'amour évolue-t-il ? Avec douceur, délicatesse et justesse, ce conte poétique et brillant va assurément faire tomber les masques !

Jusqu'au 29 Juillet à 10h50
Théâtre de l'Oulle/La Factory
19, Place Crillon
Paru le 21/07/2023