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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Le Mardi à Monoprix
Il (ou elle) a un drôle de genre !...

Quand on était petit, on entendait souvent ce type de réflexion qui pointait la différence, avec un brin de mépris, de dégoût. Ce n'était pas forcément dit méchamment. Plutôt par bêtise, par ignorance surtout. C'est ce constat doux-amer qui nous est présenté dans « Mardi à Monoprix ». Créé il y a des décennies par un certain J.Claude Dreyfus, le texte d'Emmanuel Darley n'a pas pris une ride.
J.Pierre - Thierry de Pina - avance sur scène. Peu d'éléments de décors. La sobriété est de mise et pour cause, tout est dans la gestuelle, le regard, le phrasé, l'attitude - souvent victimaire - de J.Pierre qui, en quelques minutes, s'est mué sur scène en Marie-Pierre pour aller voir son père, veuf depuis peu. Son père ? Un vieil homme qui n'a toujours pas « avalé » la transformation de son fils mais qui, pour autant, garde le rituel de sa visite le mardi. Tout en l'appelant Jean-Pierre... aussitôt corrigé par Marie-Pierre.
Le mardi, c'est sacré donc : c'est jour de ménage, on fait bien la poussière et puis en route pour les courses. Et là, on n'est plus dans le vis-à-vis père-fils, déjà douloureux car emprunt de reproches mais c'est toute une micro-société qui va porter le regard sur Jean-Pierre/Marie-Pierre. S'ensuivront les sempiternelles petites moqueries et autres quolibets dans les rayons du magasin. Jean-Pierre/Marie-Pierre fait front, assume tout, il s'est toujours senti « fille à l'intérieur » et peu lui chaut d'être confronté au regard des autres, même si ça fait toujours mal. Il se bat bec et ongles. Sa vie est un éternel combat.

Thierry de Pina s'est approprié le texte avec intelligence. Pas de pathos, juste des mots qui sortent, qui claquent, qui font mouche. Il parle sec, presque à la manière des dialogues de Marguerite Duras dans ses « il dit, elle dit » qui se répondent. C'est sensible, intelligent, mesuré. Dans un univers pourtant glauque et désespérant à souhait, il arrive même à nous faire sourire par sa légèreté, sa candeur face à tous ces mots qui blessent, ces regards qui tuent. Une performance d'acteur !

Jusqu'au 29 juillet
A 10h au B.A.
25, rue St Jean le Vieux. Place Pie
84000. Avignon
Paru le 20/07/2023