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© Van Trojani
Spécial Avignon par Philippe Escalier
La Métamorphose

Stéphanie Slimani, au Théâtre du Rempart, propose une vision de l'œuvre de Kafka particulièrement esthétique que Killian Chapput incarne avec une vérité et une force troublantes.
Le chef d'œuvre de Kafka réunit toutes les conditions pour être impossible à adapter. La Métamorphose est surréaliste, allégorique et exige un parti pris puissant afin d'éviter une simple et réductrice mise en images. Stéphanie Slimani a choisi d'incarner le drame de Gregor Samsa, son inaptitude à affronter un monde qui le détruit, en lui donnant une forme quasi chorégraphique. C'est en humanisant le héros qu'elle nous fait toucher son haut degré de déshumanisation. Un simple lit sur lequel une couverture bouge, un pied puis des jambes qui s'en extraient, dés les premiers instants, le drame se noue. Une part est laissée à l'imagination du spectateur et un geste suffit pour l'interroger. Quelle bête va enfin montrer le bout de sa carapace ? Quel mal être s'entête ainsi à se dissimuler ?
Killian Chapput a le corps d'un danseur. Ses gestes rapides et saccadés expriment son trouble, sa démission face au monde. Aérien mais aussi ancré au sol, il nous offre un ballet de l'angoisse, aussi terrifiant qu'agréable à regarder d'autant que la remarquable bande son de Benoît Olive le porte avec légèreté. Parcimonieusement, une voix off se fait entendre, mais si les mots sont rares, l'on comprend tout et rien ne nous échappe. Cette métamorphose est une brillante illustration d'un texte majeur servi par une imagination féconde et un formidable comédien. Ce magnifique travail artistique, pétri d'originalité, permet de saisir toute la richesse et la subtilité d'une œuvre complexe. Un vrai tour de force !
Paru le 19/07/2023