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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Heureux, les orphelins
Le poids des mots, le choc des potos. Ou comment réinterpréter un mythe sans faire de trous…

Quand le Club des Cinq débarque, ce n'est pas pour faire de la figuration. En bons exégètes, ils s'attaquent à Electre, convoquent Oreste, les réinventent. C'est Carglass chez Giraudoux, la vitrine est neuve.
Les queues sont interminables, le téléphone saturé, on s'active à l'Oriflamme pour recevoir les nouveaux adeptes de ce club très fermé et aussi iconoclaste que son appellation farfelue « Heureux, les orphelins ». Les aidants de la banque alimentaire sont les premiers à s'étonner de l'engouement porté à une troupe aussi fringante, qui visiblement est bien nourrie et affiche une certaine insolence. Les pupilles de la nation ne sont plus ce qu'ils étaient. Il est vrai que les nouveaux-venus dépotent, c'est d'actualité, ils sont dans le remaniement permanent. Ils sont « Borne...to be alive ». Peut-être , comme elle, par goût du travail bien fait, de la perfection. A la manière des « cadavres exquis » où chacun complète le propos du précédent, le collectif s'est employé à en rajouter une couche à chaque fois, histoire de pérenniser - tout en l'actualisant - l'œuvre de Giraudoux. De l'avis des puristes, le résultat serait plutôt vers un Girau-dur. Voir débarquer le glyphosate, Darmanin et son désormais célèbre « Ca va bien se passer », un chœur antique joué par un seul prêtre, un psy plus déjanté qu'un malade au milieu d'alexandrins a de quoi surprendre. Pour autant - et c'est là la force et le talent inouï de ces 5 comédiens - c'est la puissance des mots qui deviennent des armes de guerre face au silence qui tue, la mise en accusation de ce qu'on appelle aujourd'hui les éléments de langage, aussi confortables que superfétatoires.

C'est une heure trente de pur délire, de rires permanents, un pur bonheur très bien orchestré par Sébastien Bizeau - le metteur en scène - qui permet à chaque comédien d'exister pleinement. Tout est au cordeau. Pas de temps morts. Aucune facilité de langage ou de jeu. On est sur un travail d'orfèvre avec des solistes virtuoses qui vont aller loin. Très loin. Dans le Landerneau - pardon, l'Avignon - du théâtre, il se dit déjà qu'une rentrée Parisienne se profile. Tant mieux, parce que cette écriture-là, ce jeu-là et cette communion-là, ça fait du bien !

Jusqu'au 29 Juillet à 16h
Au Théâtre L'Oriflamme
3/5 rue du Portail Matheron
84000. Avignon
Paru le 19/07/2023