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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Tom à la ferme
Après Martine à la plage…

On excusera cette respiration humoristique et quelque peu « potache » avant d'aborder l'œuvre-phare de M.M. Bouchard, portée à l'écran par Xavier Dolan, jouée un peu partout dans le monde et devenue incontournable en Avignon. On avait salué par le passé la version présentée à l'Atelier 44 (avec Elie Boissière et Marie Burckhardt, entre autres). Saluons aujourd'hui la nouvelle distribution de la Factory.
Rien de sexy dans la ferme. Sur fond de funérailles de campagne, l'arrivée inopinée de l'amant (non, on n'est pas chez Feydeau) dans un lieu opaque et glauque au bout du bout du monde, représenté par un élément de décor qui en dit long : une potence. Ajoutez à cela un clair-obscur digne d'une peinture d'un de La Tour, des personnages affreux, sales et méchants comme le fils de la fermière dont la particularité est de « déchirer les visages », sa mère, une Dark Vador au féminin (Ne manque que le « Je suis ta mère » que je l'imagine profèrer de sa voix ultra-grave), une intrigue dramatique sur fond d'homophobie, une crasse saisissante, de la sueur et des larmes et vous sautez aux Urgences ou à la pharmacie pour vous procurer des anxiolytiques.
Et pourtant...
Dans ce triangle fils-mère-amant où tout va se jouer, d'abord dans le non-dit, le déni, il y a le poids de la tradition, la peur du qu'en-dira-t-on, du retour du scandale (Francis le déchireur est devenu un paria et ne trouve plus sa place que dans la ferme, auprès de sa mère). Il y a, omni-présente et oppressante, la douleur de la mère (exceptionnelle Lydie Rigaud) qui opère un transfert sur Tom devenu en un tournemain un troisième fils sans savoir, sans comprendre la nature de ses relations avec le défunt. Il y a l'ultra-violence de Francis, bête de somme et de désirs, qui ne saisit pas sa propre ambigüité (Antoine Boizeau se muant en Vincent Cassel, je dis chapeau !), il y a Tom, le citadin, hors-sol dans cet univers, dévasté, hagard, fragile mais réactif. Tom endure les tortures du frère mais sait aussi rendre les coups comme il a su s'adapter aux travaux de la ferme. Tom surprend, Tom séduit, Tom illumine la pièce (Vincent Marbeau est très convaincant dans sa variation de jeu) et l'arrivée de la bonne copine inventée du défunt baragouinant l'anglais apporte une note de fantaisie à un ensemble funèbre.
C'est puissant, percutant, un peu malaisant mais tellement brillant !

Courez les applaudir et, si le cœur vous en dit, offrez-vous les deux versions. Histoire de comparer, de vous faire une idée et de jubiler. Le texte est si beau !

Jusqu'au 29 Juillet à 19h15
A la Factory /Salle Tomasi
4, rue Bertrand
84000. Avignon
Paru le 18/07/2023