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© Fabienne Rappeneau
Pépite par Patrick Adler
Philippe Fertray : "Likez-vous les uns les autres"
Un OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) nommé Philippe Fertray, mix imaginaire de Gustave Parking et Philippe Katerine.

Ce pourrait être « En attendant Théo », version 2.0.
Théo, c'est le petit-fils emblématique d'une génération hyper connectée à l'écran, dont l'avatar « le Prophète » en dit long sur le chemin initiatique du grand-père, plus " réel " que " virtuel ". Théo, c'est le monde d'aujourd'hui, un monde où la validation d'autrui se fait via les " likes ", ces pouces levés comme ceux de son grand-père autostoppeur qui attend - mais en vain - d'être embarqué sur le chemin (de vie) de son petit-fils.
Par cette fable qui nous parle forcément dans ce gap générationnel, Philippe Fertray choisit les situations les plus ubuesques (un rôle de mannequin senior amateur pour une Fashion Week made in China dans un entrepôt de banlieue, un scrolling permanent où s'invitent les scènes les plus apocalyptiques (glissements de terrain, tsunamis).
Dans un joyeux bordel très coloré, les sacs renfermant les robes et autres souliers de créateurs apparemment sous acides (mention spéciale à Sophy Adam, costumière de grand talent) jonchent la scène. Entre deux essayages, deux passages dans la cabine d'essayages, le foutraque Philippe Fertray s'interroge sur le nouveau monde, celui des réseaux sociaux, les analyse, les décrypte, les compare avec le monde d'avant... sans jugement aucun.
À la manière d'un Candide qui, comme le Philosophe Michel Serres, découvre cette génération "Petite Poucette" (ces jeunes représentés par la capacité de leur pouce), il tente même de s'intégrer virtuellement - il est ami Facebook avec Théo, il est donc validé par ce sésame -. Ce nouveau monde connecté est une boîte de Pandore où se côtoient, pêle-mêle, des illuminati, des pervers , des narcissiques, des pervers narcissiques, des francs-maçons, des complotistes, des lampistes, des agents du Mossad, le tout-venant, quoi !. Il n'y a plus qu'à trier, comme dans les sacs informes des créateurs où tout est écrit en chinois. Nouveau monde, donc forcément novlangue, volapük. Il n'y a plus qu'à traduire.

Il y a de la poésie dans cette quête d'amour pour Théo que l'écran sépare de son grand-père, il y a de la mélancolie aussi, celle du temps qui passe, du fossé qui se creuse entre les générations, celle du type vieillissant qui, malgré ses efforts, voit, agit, joue et même quitte la scène... à l'ancienne !
Il y a surtout de la pertinence dans cette divagation intellectuelle de haut vol.
Le propos est d'actualité, le texte finement ciselé, c'est de la dentelle, un travail d'orfèvre pour les amoureux des mots. Son passage sur l'eau en poudre par une écolo "habitée" est un morceau d'anthologie. S'il peut parfois apparaître abscons, voire "barré" dans la narration, c'est parce qu'il convoque depuis des années un public exigeant.

Vous l'aurez compris, Le Fertray, ça se mérite !
"Likez-vous les uns les autres". Vous le likerez. Et le kifferez, pour parler djeun's !
Respect et admiration pour ce nouveau-venu dans l'Académie Alphonse Allais.
C'était écrit !
Paru le 06/06/2023

(12 notes)
PHILIPPE FERTRAY - Likez-vous les uns les autres
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SEUL-E EN SCÈNE. 2023, au fond d'un hangar au Salon du Recyclage d’Alfortville : un "presque retraité" en manque de trimestres regrette d'avoir répondu à une petite annonce : le voilà mannequin d'occasion, pour améliorer ses fins de mois difficiles. Entre deux défilés dans des costumes très "monde d'après" dérouta...

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