La sélection de vos textes a dû être un exercice difficile !
Oui, il y en a tellement que j'affectionne. J'ai voulu que l'enchainement soit fluide entre ces textes différents. Je commence, moi qui suis d'une région montagneuse et qui aime le silence, par un texte de Guitry. Il décrit ce moment où rentrant chez lui et se retrouvant enfermé et seul, il se sent enfin libre, capable de se laisser aller à sa rêverie, à sa fantaisie. J'ai voulu qu'il en soit de même sur scène et dans la façon de passer d'un texte à l'autre. Dans ce spectacle, il y a des choses très variées mais qui ont une cohérence. Ce sont des textes que j'ai plaisir à jouer, pour certains méconnus, qui sont parfois écrits comme des petites pièces de théâtre. Avec une prédominance comique, pour moi qui aime beaucoup la comédie, comme le montre la présence de Dubillard. Par ailleurs, j'ai eu envie de profiter de cette reprise au Marigny pour faire évoluer et enrichir le spectacle.

Littérature et art oratoire : vous avez dit un jour que vous aviez vraiment apprécié Proust après l'avoir lu à haute voix. Il n'est donc jamais superflu de dire ces textes ?
Il faut les dire et les vivre ! J'ai découvert Proust le jour où je l'ai enregistré. En le vivant ainsi, un comédien peut donner à un texte un relief surprenant et le faire mieux partager au public qui le découvre ou le redécouvre. Sans que ce ne soit jamais fastidieux bien sûr !

Vous parlez du public. Dans votre spectacle, comment ressentez-vous ses réactions ?
Au théâtre, vous avez l'emprise directe avec le public. Quand c'est drôle, vous entendez tout de suite les rires. Et puis, c'est encore plus fort quand vous jouez devant une salle de 600 places et que vous entendez la respiration du public, que vous sentez sa concentration et son silence. C'est immédiatement palpable et très impressionnant. Toutes ces réactions sont la plus belle des récompenses !

Vous avez choisi des textes, certains datant du XIXe, qui sont d'une actualité brûlante. La marque du génie, c'est qu'il est éternel !
Oui, absolument ! Vous devez penser au poème « Le Mot » de Victor Hugo. J'étais dans une émission de télé il y a peu pour parler d'un film sur la rumeur. Dans le courant de la conversation, je me mets à réciter ce texte qui n'est pas très long et qui est d'une vie, d'une vérité saisissante. Parmi les millions de gens qui l'ont entendu, beaucoup ont été frappés par sa modernité, y compris sur le plan de la forme et du vocabulaire. Le pouvoir du langage est énorme et oui, quand c'est beau et fort, c'est éternel.

Vous qui aimez autant les mots, vous n'avez jamais cédé à la tentation d'écrire ?
Vous savez, on a posé cette question un jour à Jean Rochefort et il a répondu : « Oui mais je me suis relu ! ». Je cautionne cette réponse (Rires) !

« Sens dessus dessous » est un appel à toujours lire !
Oui et toutes les occasions sont bonnes. Il est impossible de se lasser de la qualité et du talent, surtout à une époque où la langue est un peu malmenée. Je profite de mon métier pour être un trait d'union et faire partager des plaisirs très variés.