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© Lou Salaün Tilly
Interview par Philippe Escalier
Adrien Grassard

À la tête depuis moins d'un an du Théâtre des Déchargeurs qu'il vient d'acquérir, Adrien Grassard, jeune comédien et auteur de 24 ans a déjà pu y imprimer sa marque. Il revient avec nous sur cette passionnante aventure.
Vous avez écrit une pièce pour 9 personnages en sortant du Cours Florent puis racheté un théâtre en pleine pandémie, on note chez vous un attrait certain pour les défis !
On pourrait y voir une forme d'inconscience mais il s'agit davantage de répondre à des envies et des besoins. J'écris ma pièce, poussé par le désir d'effectuer un travail de troupe là où, à Florent, on nous apprenait beaucoup les « seul en scène » ou des pièces à deux ou trois pour que ce soit viable. J'ai un esprit de contradiction ! En voulant le monter, j'ai touché du doigt que les conditions d'accueil des jeunes compagnies n'étaient pas idéales. C'est lié à un fonctionnement économique des lieux que je comprends aisément mais j'étais persuadé que l'on pouvait faire autrement en supprimant le minimum garanti qui impose aux compagnies d'avancer énormément de sous. D'où mon investissement dans le théâtre !

Comment allez-vous rendre ce projet viable ?
Sur le très court terme soyons clairs, ce n'est pas viable. Par contre, sur le moyen terme, on y gagne avec notre proposition artistique et l'attractivité que l'on donne au théâtre. On fait naitre une idée de co-réalisation. Les Déchargeurs deviennent un lieu d'essai et un tremplin où le public sait qu'il peut aller découvrir des compagnies encore inconnues. Sur le plan économique, nous faisons en sorte d'aller chercher l'argent ailleurs que dans les poches des compagnies. C'est pourquoi nous mettons en avant le bar que nous venons de refaire et qui va nous permettre d'avoir de nouvelles rentrées : nous offrons un espace convivial où l'on peut s'installer dans la journée, se détendre avant le spectacle ou rencontrer les comédiens après. Par ailleurs, comme nous disposons de pas mal d'espaces, nous avons pu les mettre en location pour stocker des costumes ou des décors. C'est par plein de petits services et d'à côté que nous pouvons retomber sur nos pattes et payer les factures.

Quid du public et votre programmation ?
Nous sommes dans une année qui reste particulière avec une affluence un peu en dents de scie entre la pandémie et la guerre. Mais nous sentons qu'un noyau d'habitués est en train de se constituer. En ce qui concerne la programmation, on est axé, pour l'essentiel, sur de jeunes auteurs avec cette volonté de les croiser avec des noms plus connus, comme Pierre Notte par exemple, ce qui permet aussi d'avoir un public plus large et plus varié.

Comment terminez-vous la saison 2021- 2022 ?
En mai, nous avons un grand classique pour le coup avec «Le Livre de l'intranquillité» de Fernando Pessoa, adapté par David Legras. Il a réussi à rendre l'œuvre facile d'accès sans jamais trahir l'auteur. En face, nous proposons «10805 maux» d'Alexandre Cordier qui raconte la première exposition d'un groupe de jeunes des Beaux-Arts qui dérape sur un règlement de comptes avec beaucoup de poésie et de verve.

Pour finir, un mot pour définir cette nouvelle vie ?
Collectif ! La décision et l'envie de reprendre le théâtre s'est faite suite à la rencontre avec l'équipe quand j'ai pu me rendre compte que nous étions sur la même longueur d'ondes avec les mêmes ambitions. Le projet est bien une aventure collective !
Paru le 30/05/2022