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D.R.
Portrait par Jeanne Hoffstetter
Frédéric Jérôme
directeur du Casino de Paris et des Folies Bergères

Entraîné par une folle énergie et une passion à toute épreuve, il s'investit sans compter pour conserver à ces deux salles mythiques leur âme et leur identité, tout en suivant l'évolution rapide de son métier.
Pour mémoire :
En 2014, le groupe Lagardère déjà propriétaire des Folies Bergères, rachète le Casino de Paris, dirigé depuis 1989 par Frédéric Jérôme. Lequel groupe propose au directeur, qui rêvait depuis longtemps de réunir ces deux salles, de prendre également la direction des Folies Bergères.

Béjart, Jonasz, Brialy, Moustaki, quatre maitres essentiels :
« Le virus a commencé avec Béjart et son décorateur que j'ai eu la chance de rencontrer lors d'un dîner grâce à mon meilleur ami. En parlant avec eux, j'ai eu un flash. Mais c'est en voyant les ballets du 20eme siècle et Jorge Donn à Bruxelles que j'ai découvert ce qu'était un spectacle. J'avais dix-huit ans et encouragé par Béjart, j'ai passé le concours de la "Rue Blanche". Avec Jonasz, je faisais des tournées et c'est grâce à lui en 1988 que je suis arrivé au Casino de Paris avec "La fabuleuse histoire de Mister Swing". Mais c'est Brialy qui m'a appris mon métier, alors que j'étais son régisseur général sur les Festivals d'Anjou et de Ramatuelle. C'était un homme d'une grande précision et qui avait un très grand respect des artistes. Quant à Moustaki, il était un peu comme un second papa. C'est lui qui m'a inculqué l'idée que l'on pouvait faire beaucoup de choses même en les faisant calmement. Il savait prendre le temps. Il m'a transmis une manière de vivre qui me suit encore. Voilà, chacun de ces maîtres m'a apporté la petite pierre qui me manquait. »

Un métier magique si tant est que l'on ne succombe pas au chant trompeur des sirènes
« Il ne faut surtout pas croire que c'est facile et s'arrêter au côté paillettes qui pourrait donner envie. C'est un métier d'artisan malgré l'importance du moteur économique. Et je suis aussi un commerçant qui lève son rideau de fer rue de Clichy et rue Richer. Je travaille énormément mais avoir les mains dans le cambouis, faire en sorte qu'un projet, même difficile, soit mené de A à Z pour qu'à son terme il fonctionne et qu'il donne du plaisir à un public nombreux. Nous vendons de l'émotion et elle ne peut pas exister sans qu'il y ait aussi derrière, de l'humain ! »
Mais l'émotion, c'est aussi celle que l'on reçoit en pénétrant dans ces lieux d'une autre époque... « Oui, il fallait absolument veiller à conserver l'âme de ces deux salles et des éléments de leur histoire. Ça n'a pas toujours été facile, je me suis battu pour retrouver des documents d'époque sur lesquels nous avons beaucoup travaillés. Rénover est un travail de longue haleine ! »

S'adapter à l'évolution rapide des technologies, aux aspirations du public
« Il est vrai que le métier a beaucoup changé avec les nouvelles technologies pilotées par ordinateur et les bouleversements technologiques dans le domaine de la musique. Nous n'avons plus du tout la même manière d'installer les spectacles, les conditions de collaboration avec les artistes ont changé aussi. Quand Bruno Coquatrix dirigeait l'Olympia, il engageait et payait les artistes, alors qu'aujourd'hui on loue la salle à un producteur. On a connu, il y a quelques années, un emballement irrationnel pour des spectacles complètement démesurés aux résultats parfois catastrophiques. Aujourd'hui, j'ai la sensation que l'on revient à la qualité, à plus de maîtrise. Que ce soit à Marigny, à Mogador ou chez nous aux Folies Bergères avec le spectacle Gaultier qui marche très fort et attire des gens du monde entier, on voit de beaux spectacles. »

Diriger un théâtre et à fortiori deux, c'est être partout à la fois, voir le court terme, réfléchir au long terme, oser sans oublier de raison garder, se battre et espérer réussir. « C'est le cas aux Folies où une chose me tient particulièrement à cœur pour octobre et j'espère qu'on va y arriver ! C'est "Elephant man", avec Béatrice Dalle et Joey Starr, mis en scène par David Bobée qui vient du secteur public et qui est directeur du Centre Dramatique National de Normandie-Rouen. Cette recette m'intéresse et m'amuse beaucoup mais c'est un défi ! Au Casino, qui reste l'essence même du music-hall, il y aura un vaste choix. J'aime bien ce côté caméléon. L'acoustique est parfaite, le rapport scène-salle est tel que tout peut marcher et qu'il n'y a aucune raison de s'enfermer dans un genre. Là, j'ai un projet autour de Johnny Hallyday, L'idole des jeunes. C'est compliqué car il y a la famille, mais j'aime bien aussi quand ça gratte ! En tout cas ce serait un tour de force de faire un beau spectacle de chansons sans tomber dans le piège de la biographie. »
Et pour conclure ? « Malgré tout ce que cela suppose d'attention et d'investissement loin de me lasser, ça me plait de plus en plus. Je suis heureux et comblé. »
Paru le 29/05/2019