Créé en 2004, à l'initiative de l'abbaye et du paysagiste Olivier Damée & Edith Vallet (DVA), ce jardin d'inspiration hildegardienne célèbre aujourd'hui ses vingt ans. Vingt années de floraisons, de repos, de gestes patients — et de transmission. Ce jardin, structuré autour du Carré des Neuf, est autant une proposition botanique qu'un manifeste. Il donne à voir et à sentir une pensée du monde par les plantes héritée de Sainte Hildegarde de Bingen, visionnaire bénédictine du XIIe siècle, pour qui la santé du corps, de l'âme et de la terre sont indissociables.
Conçu comme un lieu de soin, de contemplation et de transmission, ce jardin dialogue avec les savoirs anciens tout en s'adressant aux sensibilités contemporaines. Il nous rappelle que le jardin est aussi une pharmacie de l'âme.

- Un carré pour les maux
Le jardin s'organise selon une forme simple et forte : neuf carrés égaux, disposés en damier. Chacun est dédié à un registre thérapeutique : les plantes qui soignent la digestion, le coeur, la peau, le sommeil, les émotions, le féminin... Cette organisation ne relève pas d'une taxinomie moderne, mais bien d'une logique sensible, empirique et symbolique, héritée du Moyen Âge. Elle résonne avec la médecine des humeurs, mais aussi avec la cosmologie chrétienne, où les plantes sont des médiatrices entre l'humain et le divin.
Ce jardin n'est pas une reconstitution archéologique. C'est une réinterprétation vivante et contemporaine des écrits d'Hildegarde, en particulier du Physica, son traité des plantes et des vertus. À travers les espèces choisies — fenouil, hysope, ortie, sauge, lavande, armoise, alchémille... — se dessine un catalogue de remèdes naturels enracinés dans une vision du soin comme harmonie.

- Un jardin en mouvement
Au fil des ans, le Carré des Neuf s'est enrichi d'une pratique cyclique et régénérative : chaque parcelle connaît une phase de culture, une phase de repos et une phase de transition. Ce rythme triennal, inspiré des jachères agricoles et de l'alternance des forces, permet de préserver les sols, de renouveler les semis, et d'inscrire la culture des simples dans **un temps long, végétal et vivant**.
On entre alors dans une logique qui dépasse la simple fonction médicinale : le jardin devient organisme. Un être vivant, qui naît, se repose, se transforme. Chaque carré devient un chapitre temporaire, chaque plante un mot qui change de ton selon la saison.

- Une médecine de la contemplation
Marcher dans le Carré des Neuf, c'est aussi faire l'expérience d'une autre temporalité. Celle du ralentissement, de l'écoute, de la perception fine des couleurs, des odeurs, des textures. Le jardin n'enseigne pas seulement le nom des plantes : il "invite à reconsidérer le rapport entre soin et attention", entre culture et spiritualité.
Hildegarde parlait de la "viriditas", cette force verte qui irrigue toute forme de vie. Ici, elle se manifeste dans le moindre bouton de camomille, dans la montée en graine d'un fenouil oublié, dans le vol d'un papillon entre deux espèces médicinales. Vingt ans après sa plantation, ce jardin semble avoir trouvé sa voix propre, douce et grave à la fois, ancrée dans le sol et tournée vers le ciel.

- Pour aller plus loin
Sainte Hildegarde de Bingen, "Physica et Causae et Curae".
Claire Lelong, "Le Jardin des simples à Royaumont" (Abbaye de Royaumont, 2005).
Informations pratiques :
Fondation Royaumont - Abbaye de Royaumont
3 Jardin de l'Abbaye de Royaumont,
95270 Asnières‑sur‑Oise (Val‑d'Oise, Île‑de‑France)
Horaires d'ouverture :
Haute saison (avril à octobre) : tous les jours, de 10 h à 18 h (billetterie fermée de 12 h45 à 13 h45 en semaine)
Basse saison (novembre à mars) : mardi à dimanche, de 10 h à 17 h30 (fermé les lundis hors vacances scolaires)
royaumont.com
Tarifs (visite libre de l'abbaye et ses jardins) :
Plein tarif : 10 €
Tarif réduit (enfants dès 7 ans, étudiants < 26 ans, familles nombreuses, demandeurs d'emploi, abonnés partenaires) : 7,50 €
Tarif famille (2 adultes + enfants de 7 à 18 ans) : 28 €